La télémédecine, ce miroir aux alouettes !

Paris, le samedi 9 août 2014 – Objets connectés, plateformes de télésurveillance, e-prescription, la médecine de demain se fera en ligne ou ne se fera pas. C’est tout au moins ce que martèlent décideurs et promoteurs de ces nombreux dispositifs (gadgets ?) espérant de nombreuses retombées économiques de leur développement. Pourtant, à l’exception de quelques applications (par exemple pour le transfert de résultats d’examens dans les régions manquant de certains spécialistes), l’étincelle de la télémédecine semble loin de s’enflammer ?

ndr (à ne pas confondre avec une note de la rédaction)

Ce manque d’engouement est d’autant plus étonnant qu’à longueur de site, la télémédecine est présentée sous des jours toujours plus charmeurs. Le sarcastique cardiologue Jean-Marie Vailloux auteur de l’incontournable blog « Grange Blanche » s’est ainsi récemment rendu sur le site « Wellfundr », plateforme de financement participatif dédiée à la télémédecine. Après avoir constaté que ce portail est résolument tendance puisqu’il arbore la terminaison « ndr » qui est « aux années 10-15 ce qu’est le oo aux années 95-00 », le praticien a vu son œil attiré par « de jolies photos montrant des jeunes gens épanouis, les bras levés, sur fond de ciel bleu ou de nature préservée ».

Qui n’a pas d’iPhone ?

Derrière cette critique ironique, Jean-Marie Vailloux met en avant combien nombre de projets de télémédecine apparaissent totalement décalés par rapport à la réalité quotidienne des médecins et des patients. « Des photos de patients isolés à domicile ou dans une chambre d’hôpital auraient été plus appropriées mais sans doute moins vendeur » remarque-t-il par exemple. Ce décalage n’est pas seulement esthétique. Les promoteurs de la télémédecine font également le pari que l’équipement ultra technologique dont elle dépend est accessible à tous médecins et patients. Là encore Jean-Marie Vailloux use d’une certaine ironie pour contester cette idée reçue. Dessinant les contours d’un projet de télémédecine qu’il pourrait lancer, il énumère : « Je vais demander à Withings de me fournir des extensions d’iPhone permettant de faire un ECG, et se prendre la pression artérielle. Comme tous mes patients, même les octogénaires non francophones vivant dans des fermes reculées ont la 5G (…) et un iPhone, ils vont prendre rendez-vous sur la plateforme Orange healthCare. Ils vont faire leur ECG à domicile, se prendre la tension puis m’appeler à l’heure dite » prophétise-t-il.

La télémédecine est-elle une urgence ?

Autre critique de la télémédecine qui affleure derrière les sourires dans cette note postée sur « Grange Blanche » : l’absence d’impact réel de ces dispositifs sur les réels enjeux de l’organisation du système des soins. Ainsi, alors que l’engorgement des services d’urgence est fréquemment dénoncé, Jean-Marie Vailloux fait cette description (peut-être un peu schématique) du principe sur lequel repose nombre de programmes de télémédecine. « La télémédecine est bien plus simple à pratiquer que la médecine, un mal au ventre, allo, c’est réglé, si ça ne l’est pas, on va vous faire payer une téléconsultation et ça ira mieux, si ça ne va pas, allez aux urgences, ils n’ont rien à faire en ce moment » lance-t-il, tandis qu’une nouvelle fois en conclusion de la présentation de son projet (fictif et humoristique bien sûr) de télémédecine il se fend d’un « En cas d’urgence ? Et bien, les urgences servent à quoi, à votre avis ».

« Initiatives innovantes »

Si le trait bien sûr est sans doute un peu forcé (pour les besoins de la démonstration et du genre humoristique) et si certaines « initiatives innovantes » pour reprendre la formule sarcastique de Jean-Marc Vailloux offrent réellement un avantage pour les patients et les professionnels de santé, il n’en reste pas moins que cette note montre bien à quel point aujourd’hui la télémédecine demeure un miroir aux alouettes et un domaine bien éloigné des préoccupations quotidiennes des praticiens et de leurs malades.

Pour lire cette note en détail :
http://grangeblanche.com/2014/08/03/crowdfunding-et-medecine/

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Vos réactions (3)

  • Télémédecine: un nouveau Plan Calcul

    Le 09 août 2014

    D'avoir relayé cet article. En tant que geek et spécialiste de la e-santé, je ne peux que confirmer. La télémédecine ne sert que les rêves de certains investisseurs, l'avidité de grands acteurs numériques, et le désir de modernisme des politiques.
    Dans la réalité, les patients ont besoin de médecins et pas de télémédecins. Quant à la technologie telle qu'elle existe dans un smartphone de base (audio, photo, vidéo) elle est suffisante pour la plupart des besoins.
    La télémédecine est à la médecine ce que le Plan Calcul a été à l'informatique française : pire qu'un miroir aux alouettes, un machin inutile, cher, et sclérosant pour les initiatives de terrain.
    Dr Dominique Dupagne

  • Semmelweiss et la télémédecine

    Le 17 août 2014

    Encore une fois mes confrères médecins Français vont freiner l'innovation en télémédecine par une attitude protectionniste et technophobe. Un médecin peu t-il encore travailler sans ordinateur et sans être connecté. "Les octogénaires non francophones vivant dans des fermes reculées ont la 5G (…) et un iPhone" peuvent demander à leur petit fils de mettre de coté leur Facebook pendant un moment pour envoyer les informations au Dr. Jean-Marie Cailloux.
    Les clientèles ne sont pas tous des octogénaires et certains octogénaires savent utiliser les nouvelles technologies mon cher confrère, le problème est que peut être certains médecins n'ont pas travaillé dans des pays étrangers, sur des bateaux, sur des plateformes pétrolières ou aux urgences.
    La télémédecine apporte des solutions concrètes par exemple en Guyane la sécurité sociale paye un aller et retour du patient au spécialiste mais ne paye pas la télé consultation du dermato ou de l'ORL qui peuvent diagnostiquer à distance une lésion cutanée ou une perforation tympanique par le vidéo dermatoscopie et la vidéo otoscopie.
    Un réseau a été mis en place et permet des économies de santé (1).
    La transmission des EEG et la lecture par un spécialiste à distance dans les cas d'état mental altèré diminue le temps d'hospitalisation et permet un triage adéquat (2).
    La télé psychologie et la télé psychiatrie sont accessibles aux USA et remboursable (3).
    Les efforts sont faits pour permettre au SAMU de faire parvenir les données vitales à partir de l'ambulance aux urgences et dans les maisons de retraite (4).
    Un réseau de télémédecine dans nos prisons permettrait d'éviter les frais de transport des consultations gérables par la télémédecine et aux prisonniers de ne pas s'échapper lors des transferts médicaux (5).
    En conclusion il s agit d une réaction réactionnaire et peu scientifique, la télémédecine n'est ni une panacée ni la solution unique mais une des solutions intéressantes et économiquement valables.
    Dr Richard Clement, Miami USA
    (1) http://www.education-therapeutique-

  • Un outil supplémentaire, non urgent

    Le 19 août 2014

    La télémédecine, n'est qu'un moyen technologique, en plus; et il ne faut pas lui faire dire ce qu'elle ne peut pas. Mais le problème de la médecine de notre pays, n'est point là car n'oublions jamais que la télémédecine ne peut se passer de médecins, et que cette technologie nécessite des investissements. Dans une économie médicale, artificielle, exsangue, puisqu'elle n'existe que par des ressources qui viennent de l'emprunt et toujours plus important; et ceci dans un mode de fonctionnement d'assistés consuméristes, avec une relation du monde médical à la société, anormale (médicalisation des problèmes sociaux) ; la télémédecine n'est pas le problème le plus urgent.

    Dr Christian Trape

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