La vessie neurologique mérite toute votre attention

Le  traitement des troubles sphinctériens est souvent le parent pauvre de la prise en charge des patients neurologiques. Pourtant, ceux-ci sont souvent responsables d’une baisse de qualité de vie, peuvent aggraver la symptomatologie neurologique ou entraîner des complications infectieuses, rénales voire cancéreuses. Une conférence multidisciplinaire  matinale a été consacrée à ce sujet au cours des JNLF. Elle a permis de confronter les avis d’experts urologues, neurologues et de médecine physique et de proposer des attitudes très pratiques.

Les complications urologiques des rétentions chroniques d’urine sont elles d’une autre époque ?

Grâce à l’amélioration du suivi des patients neurologiques, les complications urologiques des vessies neurologiques sont devenues plus rares. Ce suivi, essentiel chez les blessés médullaires, est souvent négligé dans la sclérose en plaques (SEP) et parfois ignoré dans les syndromes dégénératifs. A Ruffion (Lyon), chirurgien  urologue, a précisé, en préambule de cette réunion, les principaux facteurs de risque de complications urologiques. D’après une étude épidémiologique anglaise, ce risque est particulièrement important chez les spina bifida, les blessés médullaires mais existe aussi chez les patients SEP.
Le mode mictionnel est un facteur de risque essentiel. En cas de rétention chronique, le sondage intermittent avec des sondes autolubrifiées est le moyen le plus sûr d’assurer une vidange vésicale, la sonde à demeure et le cathéter sus pubien étant à proscrire. Les données de l’examen urodynamique sont déterminantes pour apprécier ce risque. Ainsi une hyperpression vésicale > 40 cm d’eau et un défaut de compliance (<15 ml d’eau) sont considérés comme des signes d’alerte. Le risque de calcul est aussi augmenté chez les blessés médullaires, les patients avec une chirurgie (entérocystoplastie, Bricker) et ceux avec une sonde à demeure. Le cancer vésical est  une complication à long terme rare mais gravissime qui doit être rapidement suspectée devant une hématurie macroscopique ou un changement de comportement vésical notamment chez les patients sous sondage à demeure et ceux anciennement traités par cyclophosphamide.

L’insuffisance rénale reste la complication la plus importante de la rétention chronique. Elle est toujours précédée par une hydronéphrose détectable par échographie. Il faut se rappeler que la formule de Cockroft sous estime la clairance de la créatine chez le blessé médullaire.
L’éventail des complications urologiques des neurovessies justifie totalement la prise en charge précoce des troubles urinaires chez les patients neurologiques.

ECBU positifs : réfléchir avant d’agir

De nombreux praticiens restent embarrassés devant un ECBU positif effectué chez un patient asymptomatique. Il n’y a pourtant aucune raison.
Tous les experts sont d’accord pour affirmer que la bactériurie asymptomatique du patient avec une sonde urinaire ou une vessie neurologique ne mérite aucun traitement sauf dans des conditions particulières : immunosuppression, prévision d’un geste invasif urologique (bilan urodynamique, cystoscopie) ou chirurgical (C Scheiber- Nogueira, Neurologue, Lyon).

Le traitement préventif des infections urinaires chez les patients avec des vessies neurologiques est multimodal. Il faut favoriser l’hydratation sans excès.
La canneberge peut être efficace. Il faut savoir rechercher un fécalome qui peut favoriser la colonisation ano-vésicale. Les sondages permanents doivent être proscrits au profit du sondage intermittent à l’aide de sondes  hydrophiles autolubrifiées. L’acidification des urines reste encore discutée.
En cas d’aggravation neurologique (exacerbation de la spasticité, majoration d’un déficit neurologique), modification inexpliquée du mode mictionnel (impériosité, pollakiurie, fuites, dysurie), il devient légitime d’évoquer une infection urinaire et de confirmer ce diagnostic par un ECBU avec antibiogramme complet. En conclusion, MC Scheiber-Nogueira a insisté sur l’importance de ne pas réaliser d’analyses urinaires systématiques, sur la nécessité de traiter au moins 5 jours et de ne pas se contenter de traitements courts qui favorisent l’émergence de bactéries multirésistantes.

Les recommandations des sociétés savantes

Il existe selon les disciplines et les centres de nombreuses différences quant à l’intérêt porté aux troubles sphinctériens et à leur prise en charge. Dans ce contexte, des recommandations proposées par des experts sont un excellent moyen d’optimiser et d’homogénéiser ces pratiques (M de Sèze, MPR Bordeaux). Le GENULF (Groupe d’Etude de Neuro-Urologie de Langue Française) est un groupe déjà ancien qui permet à des neuro-urologues d’échanger leur expérience et de promouvoir des recherches dans cette thématique. Ce groupe a notamment publié des recommandations dans la prise en charge des troubles urologiques des spina bifida, des blessés médullaires ou des patients SEP.

Pour apprécier la gène urologique, M de Sèze insiste sur l’importance du calendrier mictionnel sur 72 heures qui sera un élément essentiel de l’évaluation et du suivi des neurovessies. Le dépistage d’un résidu post–mictionnel doit être systématique. On ne peut se contenter de l’interrogatoire. Le sondage évacuateur post-mictionnel peut être remplacé par le Bladder Scan® (échographe portatif) qui est totalement atraumatique et est réalisé de manière  ambulatoire. Malheureusement cet appareil n’est pas forcément disponible et on peut alors effectuer une échographie vésicale pré et post-mictionnelle. L’examen urodynamique est essentiel pour déterminer les mécanismes mis en jeu et mettre en évidence une haute pression du détrusor qui est un facteur de risque de retentissement sur le haut appareil. Cet examen est indolore et sans danger quand il est effectué dans des conditions confortables après contrôle de la stérilité des urines, information et bonne installation du patient, et en prenant le temps nécessaire. Il fournit des informations sur le régime de pression vésicale et urétrale et sur le débit mictionnel. L’ECBU, la clairance de la créatinine et des échelles de qualité de vie complètent ce premier bilan. D’autres examens comme l’échographie rénale, la cystoscopie, la cystographie rétrograde et mictionnelle, l’UIV ou l’uro-scanner peuvent être proposés selon le contexte. Ainsi les recommandations pour les troubles urologiques de la SEP précisent les principaux facteurs de risque : durée de la maladie, sexe masculin, sondage à demeure, contractions du détrusor de grande amplitude,  haute pression permanente du détrusor. Chez le patient SEP asymptomatique, la surveillance peut se limiter à une enquête clinique et une évaluation du résidu post mictionnel. Si le patient est symptomatique, il est recommandé de l’adresser à un spécialiste en neuro-urologie qui effectuera le bilan précisé ci-dessus, mettra en route un traitement et précisera le rythme de surveillance (bilan urodynamique tous les un à trois ans). Enfin, le neurologue doit savoir que d’autres recommandations comme celles sur les troubles urinaires des sujets parkinsoniens sont actuellement en cours de rédaction.

Dr Christian Geny

Référence
Symposium Coloplast. Journées de neurologie de langue française. Bordeaux, 23-26 avril 2008.

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