Des effets prouvés dans les pays en développement
De larges études observationnelles, des revues systématiques
et des méta-analyses permettent toutefois d’affirmer certains
bénéfices de l’allaitement pour la santé de l’enfant. C’est ainsi
qu’il n’est pas exagéré d’affirmer que dans les pays en
développement, l’allaitement constitue une « véritable
assurance-vie », par une réduction de la mortalité et de la
morbidité d’origine infectieuse.
En revanche, les effets bénéfiques de l’allaitement sur
l’allergie sont maintenant controversés, tout au moins au long
cours. Si les données ne confirment pas non plus un effet
protecteur vis-à-vis de la maladie cœliaque, elles indiquent un
effet bénéfique sur les maladies inflammatoires intestinales à
début pédiatrique. L’allaitement est aussi associé à une diminution
de la prévalence du surpoids et de l’obésité à 5-6 ans, mais il n’a
pas été prouvé d’effet protecteur à long terme sur les maladies
cardio-vasculaires.
Le microbiote, une étroite connexion mère-enfant
Le Pr Jean-Charles Picaud a pris le relais en soulignant que, contrairement à ce qui a longtemps été affirmé, le lait maternel n’est pas stérile. La connaissance du microbiote du lait maternel évolue très rapidement et l’on sait maintenant que, à côté d’une origine exogène, il existe aussi un cycle entéro-mammaire d’apport de bactéries, débutant avant l’accouchement et que la composition du microbiote du colostrum présente de nombreuses similitudes avec celle du microbiote intestinal de la mère. Récemment, plus de 600 espèces commensales différentes ont été identifiées dans le lait maternel, dont 9 espèces trouvées constamment, composant le « core microbiome ». Un nouveau-né à terme, qui ingère 800 ml par jour de lait maternel, absorbe aussi 1 x 105 à 1 x 107 bactéries vivantes, ce qui, associé aux autres composants du lait maternel, contribue à l’établissement de son microbiote.Les HMO, la particularité du lait maternel
Parmi ces composants du lait maternel, les oligosaccharides du
lait humain (HMO) font actuellement l’objet d’une attention
particulière sur laquelle est revenu le Dr Jean-Pierre Chouraqui.
Présents en quantité 300 fois supérieure dans le lait maternel que
dans le lait de vache, à des concentrations variant au cours de
l’allaitement, non modifiées par la pasteurisation ou la
congélation, les HMO agissent comme des prébiotiques et favorisent
l’inhibition des pathogènes, par un effet anti-adhésion des
bactéries dans le tractus intestinal, les voies respiratoires
hautes et les voies urinaires. Là encore, les freins à la
réalisation d’essais randomisés empêchent de démontrer le bénéfice
clinique de ces mécanismes sur la santé de l’enfant qui pourrait
ouvrir la voie à une amélioration des laits infantiles.
Finalement, le Pr Turck a estimé que, pour promouvoir
l’allaitement, la mise en avant de ses bénéfices sur la santé de
l’enfant n’était peut-être pas la meilleure stratégie, en tous cas
dans nos contrées.
Dr Roseline Péluchon