
Un DPNI (dépistage prénatal non invasif) peut être proposé dans la stratégie de dépistage de la trisomie du 21. Reposant sur le fait que de l’ADN fœtal provenant des cellules cyto/syncytiotrophoblastiques apparait précocement dans la circulation maternelle (5-6 semaines) et que la quantité augmente avec le terme de la grossesse avant de disparaitre rapidement (moins de 48 heures) après l’accouchement, ce test a montré une bonne fiabilité. Mais l’HAS a estimé, pour des raisons principalement économiques, que le DPNI pour la trisomie 21 ne pouvait être remboursé qu’à partir d’un seuil de risque de 1/1000, déterminé selon les marqueurs sériques maternels, la clarté nucale, l’âge maternel, mais également augmenté en cas de grossesses multiples, d’antécédents de grossesse avec trisomie du 21 ou de parent porteur d’une translocation impliquant le chromosome 21.
Dans ce contexte, l’ABM (Agence de BioMédecine) a enregistré pour l’année 2021, 128 958 femmes ayant eu recours à un DPNI, dont 80 % avaient un risque >1/1000 selon les marqueurs sériques maternels, 9,2 % avec grossesses multiples et 1,6 % avec anomalie chromosomique parentale.
Le DPNI pour la trisomie 21 : sensible et spécifique dans une population à risque
En pratique, le DPNI a, pour la trisomie du 21, une sensibilité de 99,9 % pour les grossesses singleton (versus 95,4 % pour les marqueurs sériques), une spécificité de 99,8 % (versus 82,4 %) et une valeur prédictive positive de 90,4 % (versus 6,5 %). Mais il existe des faux positifs et des faux négatifs, pour lesquels on manque de suivi. Les informations quant aux autres anomalies diagnostiquées à la naissance manquent également, ce qui peut laisser croire notamment dans le grand public, que le DPNI peut remplacer les tests diagnostiques invasifs.
La détection d’autres anomalies chromosomique, qui n’est pas encadrée par arrêté en France, est également possible, mais moins efficace, avec une sensibilité de 96,3 % pour la trisomie du 18 et de 91 % pour la trisomie du 13 de telle sorte que le DPNI pourrait être indiqué pour détecter ces anomalies en cas d’antécédents de grossesse avec trisomie 13 ou 18, de parent porteur d’une translocation robertsonienne impliquant le 13, d’un profil de marqueurs évoquant une trisomie 18, ou en dépistage primaire à la demande de la patiente.
Il serait plus qu’utile de disposer de davantage de chiffres sur le dépistage au 1er trimestre par DPNI pour conclure sur son efficacité.
Le DPNI n’est PAS un diagnostic
Il existe en effet des faux positifs et des faux négatifs du fait de la présence possible de mosaïques génétiques confinées au placenta. Ce test a également des limites chez les jumeaux évanescents (faux positifs), en cas de mosaïque faible chez le fœtus (faux négatif), de triploïdie (faux négatif), d’anomalie chez la mère (faux positif) constitutionnelle ou acquise. Il est contre-indiqué en cas de signes d’appel échographiques patents qui demandent de faire directement un prélèvement invasif avec caryotype et ACPA (Analyse chromographique sur puce à ADN).
Peut-on se passer des marqueurs sériques au premier trimestre ?
L’avantage du DPNI en direct est de réduire le nombre de femmes à risque testées par examen invasif (0,5 % versus 12 %), de réduire les faux positifs et faux négatifs des marqueurs sériques et de dépister un plus grand nombre d’anomalies fœtales. Cependant, la valeur prédictive positive du DPNI pourrait être plus faible dans la population générale que dans la population à risque déterminée selon les marqueurs sériques. Par ailleurs, l’approche conditionnée par les marqueurs sériques permet d’obtenir un taux de détection proche de 100 %.
Détecter les autres aneuploïdies ?
Ce test peut détecter efficacement les trisomies 13, 18 et 21 et devrait être possible pour d’autres chromosomes. Mais la question se pose de savoir s’il y a un intérêt à l’effectuer d’autant que sa réalisation n’est pas encadrée par la règlementation pour la détection des trisomies 13 et 18, que la prévalence de ces anomalies est très faible, qu’il n’y a pas de consensus à ce sujet, et parce que très souvent ces grossesses n’arrivent pas à leur terme.
Il n’y a pas non plus de consensus pour les grands remaniements (>7Mb) et l’on se pose la question pour les microdélétions.
En bref, « Il faut bien connaître les limites du DPNI, conclut Patrice Clément (Laboratoire Clement), et ne pas abandonner les marqueurs sériques du premier trimestre. Par ailleurs, seul le DPNI pour la trisomie du 21 est accepté. Il faut cependant bien l’expliquer aux patientes, leur faire signer un consentement éclairé et proposer éventuellement un DPNI ‘whole genome’ avec une explication claire des limites et un consentement supplémentaire. Le DPNI ne doit pas être fait en cas de signes échographiques, auquel cas il faudra proposer un caryotype avec ACPA. »
Dr Dominique-Jean Bouilliez