La carence martiale reste fréquente chez les nourrissons, y compris dans les pays industrialisés, et suscite de nombreux travaux de recherche fondamentale et clinique.
L’hepcidine est une hormone hyposidérémiante. Ce petit peptide
est synthétisé par le foie et déversé dans le sang. Il a comme
récepteur membranaire la ferroportine, qui exporte le fer des
entérocytes et des macrophages, ce qui fait qu’il freine
l’absorption intestinale du fer et la réutilisation du fer par le
système réticulo-endothélial. Sa production est augmentée en cas
d’inflammation/infection (par ordre de fréquence, l’anémie «
inflammatoire » vient aussitôt après l’anémie ferriprive), et de
surcharge en fer acquise.
Elle est diminuée au cours du 3e trimestre de la grossesse (quand
le fœtus constitue son stock de fer) ; dans l’anémie ferriprive,
sauf l’IRIDA (Iron-Refractory Iron Deficiency Anemia, secondaire à
des mutations de la matriptase 2), les hémochromatoses génétiques,
et les états avec hypersécrétion d’érythropoïétine. Les
hémochromatoses génétiques sont dues à diverses mutations des gènes
des protéines membranaires hémochromatosiques (HFE, etc.), mais
elles entraînent toutes un défaut d’activation de
l’hepcidine.
Récemment, la présence de l’hepcidine et de son récepteur a été
démontrée dans le cerveau.
Les conséquences de la carence martiale sur le cerveau en développement sont les plus redoutées. Le système dopaminergique du striatum est déprimé par une carence en fer. Il existe une association entre carence martiale et troubles cognitifs.
Quel est le statut martial des nourrissons français ?
Une étude datant de 2005 montre qu’une anémie ferriprive affecte
12,9 % des nourrissons qui ont bu du lait de vache demi-écrémé (30
% de la population) versus 2,8 % de ceux qui ont bu un lait de
suite (55 % de la population).
Les besoins en fer sont estimés à environ 1 mg/kg/jour de 4-12
mois, un peu moins entre 1 et 11 ans. Ils passent à environ 2
mg/kg/jour en période pubertaire.
Les raisons d’un manque de fer peuvent être :
- un stock insuffisant à la naissance : nouveau-nés prématurés,
hypotrophiques ;
- un apport alimentaire insuffisant : consommation de lait demi
écrémé avant 1 an ;
- une absorption intestinale insuffisante : chélateurs dans
l’alimentation (tanins, phytates) ;
- des pertes digestives anormales.
Cliniquement, la carence martiale est souvent silencieuse. Les
troubles des phanères sont spécifiques à la différence des troubles
de l’appétit et de l’humeur. Le syndrome anémique (dyspnée
d’effort, pâleur, tachycardie) est rare dans nos régions.
Biologiquement, le premiers stigmate est la baisse de la ferritine (mais elle peut être masquée par un processus inflammatoire), puis le fer sérique diminue et, pour finir, apparaît l’anémie microcytaire avec faible teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine.
En pratique, quelques questions permettent de repérer les
enfants à risque. Elles portent sur :
- la grossesse : supplémentation en fer ? Grossesse unique ou
multiple ?
- les antécédents de l’enfant : terme et poids de naissance ?
Origine ethnique ?
- l’allaitement (maternel). Si oui, jusqu’à quel âge ? Si non,
nature et volume quotidien du lait industriel ?
- la diversification alimentaire.
Le bilan hématologique comprend un hémogramme avec les
réticulocytes, le dosage du fer sérique et de la ferritine (couplée
à une CRP), et éventuellement, le dosage de la transferrine.
Pour prévenir la carence martiale, il est recommandé :
- de supplémenter en fer les nourrissons allaités plus de 6 mois,
d’utiliser des laits de suite (et des laitages) enrichis en fer
chez les nourrissons non allaités, de ne pas donner de lait de
vache avant 1 an ;
- de supplémenter en fer les nouveau-nés de petit poids de
naissance ou prématurés de 2-8 semaines jusqu’à 6 mois avec 2-4
mg/kg/jour de fer.
Dr Jean-Marc Retbi