Le placenta et les antidiabétiques oraux

Le placenta est plus et mieux qu’une simple barrière entre circulation fœtale et circulation maternelle. Il est aussi un lieu d’échange sophistiqué qui évolue au cours de la grossesse. Peu mature en début de grossesse (au point que le fœtus se situe en hypoxie relative), ce qui favorise le développement placentaire, l’épaisseur que le placenta autorise entre les deux circulations atteint 50 à 100 microns au 2ème mois, puis diminue de manière à n’atteindre que de 4 à 5 microns à terme. Par ailleurs, les transporteurs sont exprimés de manière variable au cours de la grossesse autant pour l’efflux que pour l’influx de substances, ce qui explique que le passage des xénobiotiques sera différent en fonction du stade de la grossesse.

Ces interactions sont donc difficiles à étudier et, pour ce faire, deux modèles ont été développés : un modèle in vivo qui repose sur un ratio sang de cordon/sang maternel, et un modèle ex vivo sur cotylédon perfusé.

Le premier offre l’avantage de se dérouler dans des conditions physiologiques avec l’inconvénient de limiter le nombre de molécules étudiées et le risque que nombre de données cliniques importantes ne soient pas disponibles : l’heure du prélèvement, le délai entre la prise médicamenteuse et le moment du prélèvement, la nature artérielle ou veineuse du prélèvement de sang de cordon…

Quant au modèle ex vivo, qui permet de mieux contrôler les conditions de prise médicamenteuse et sa cinétique, il a l’inconvénient de ne pas se dérouler dans conditions physiologiques de distribution et de métabolisme.

Ces deux modèles ont cependant apporté des indications majeures quant à la prise d’antidiabétiques oraux en cours de grossesse et, en particulier, pour les sulfamidés (le glibenclamide en l’occurrence) et la metformine.

Pour comprendre les résultats obtenus, il faut se rappeler que seule la fraction libre des médicaments est susceptible de traverser la barrière placentaire. Plus la molécule est petite (PM < 500Da), faiblement ionisée et liposoluble, plus le passage augmente. Dans ce contexte, Sophie Gil (Institut de Pharmacie, Université de Paris Descartes), rappelait que la metformine, qui a un PM très faible et une biodisponibilité de 60 % n’a qu’une liaison négligeable aux protéines. De plus, elle n’est pas métabolisée et dispose de transporteurs d’influx et d’efflux spécifiques et qui évoluent au cours de la grossesse. Une cinquantaine d’articles ont étudié ces 20 dernières années son transfert placentaire. Pratiquement, les études in vivo ont montré que la metformine traverse le placenta, exposant le fœtus à des concentrations proches de celles de la circulation maternelle. Les études ex vivo ont montré de leur côté que le passage de la metformine est rapide et que le transfert de la metformine est un processus dynamique car il existe une rétention placentaire de cette metformine. Le rôle des transporteurs reste encore à préciser de manière formelle.

Pour la glibenclamide (dont le PM est également < 500Da), on sait que la liaison aux protéines est très forte (> 99 %) et que ce produit dispose aussi d’un transporteur. Une soixantaine d’articles ont été consacrés à son transfert placentaire au cours des 25 dernières années. Les premiers articles étaient très clairs: il n’y a pas de passage placentaire. Mais cette certitude a été ébranlée avec l’affinement des méthodes d’analyse au point qu’aujourd’hui la seule conclusion que l’on puisse apporter est que l’existence d’un passage placentaire est discutée. Et cette discussion porte aussi sur le fait que les concentrations plasmatiques de glibenclamide apparaissent plus faibles chez les femmes enceintes que les femmes non enceintes (du fait de l’hémodilution ?). De plus, le rapport des concentrations du glibenclamide entre sang de cordon et sang maternel est de 0,7 + 0,4…

Dans ce contexte, pourrait-on proposer un antidiabétique oral à la femme enceinte ? Les réponses des experts sont circonstanciées (c’est le contrôle glycémique qui prévaut plutôt que le risque maternel ou fœtal qui sont tous deux considérés comme faibles, mais existants) alors que les recommandations sont moins nuancées : « probablement » pour la metformine et « non » pour les autres antidiabétiques dans la majorité des cas (plus précisément: « non » pour la SFD et l’HAS, « peut-être » pour l’American Diabetes Association et l’Endocrine Society, « oui » pour le NICE). A chacun sa religion…

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Références
Gil S: Transfert placentaire des ADO. Société Francophone du Diabète (Lille): 28-31 mars 2017.

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