
On peut avoir une vie remplie de succès et de joies apparentes
et pourtant souffrir d’un profond mal-être. C’est le message
qu’essaye de faire passer depuis plusieurs années déjà l’ancien
nageur américain Michael Phelps. Riche, célèbre, père de trois
enfants et marié à une ancienne reine de beauté, le géant de
Baltimore (1 mètre 93 de haut et surtout 2 mètres d’envergure)
semble avoir la vie rêvée. Mais celui qui a remporté entre 2004 et
2016 28 médailles olympiques dont 23 en or (un record) souffre
également depuis plusieurs années d’épisodes dépressifs.
C’est en 2018, deux ans après sa retraite sportive, que le
champion olympique se confie pour la première fois sur ses
problèmes de santé mentale. Il évoque alors avoir eu des pensées
suicidaires après sa première retraite en 2012 ainsi qu’un grave
épisode dépressif en 2018. « C’est quelque chose qui va
continuer à se produire dans ma vie » reconnaissait, fataliste,
le champion, qui a également connu des problèmes d’alcool et a
écopé de plusieurs condamnations pour conduite en état
d’ivresse.
Un documentaire sur la dépression « post-olympique »
Depuis, l’ancien nageur consacre une grande partie de son
temps et de sa renommée à mettre la lumière sur les problèmes
mentaux des sportifs de haut niveau. Dans un documentaire qu’il a
réalisé en 2020, « The Weight of gold » (le poids de l’or),
il estime que 80 % des athlètes souffrent de « dépression
post-olympique ». Le documentaire évoque notamment le cas de
plusieurs athlètes américains qui se sont donné la mort ces
dernières années et le manque de soutien des autorités sportives
américaines.
« Cela me brise le cœur parce qu’il y a tellement de gens
qui se soucient de notre bien-être physique mais je n’ai jamais vu
personne se soucier de notre bien-être mental » s’émeut
l’ancien nageur. « Je ne crois pas que quiconque soit venu nous
demander si nous allions bien pendant l’ensemble de ma carrière »
ajoute-t-il. Depuis le comité olympique américain, qui ne comptait
en 2020 que trois psychologues ou psychiatres, a commencé à
travailler avec Michael Phelps pour faire changer les choses.
« La dépression nous côtoie bien plus qu’on ne le croit »
Longtemps, avouer avoir du mal à faire face à la pression
était perçu comme un signe de faiblesse chez les sportifs de haut
niveau. Mais, pour reprendre une expression à la mode, la parole
s’est libérée ces dernières années grâce à plusieurs athlètes. Lors
des derniers Jeux Olympiques à Tokyo, la gymnaste américaine Simone
Biles avait ainsi déclaré forfait en raison d’une « perte de
figures », une sorte d’incapacité psychologique à réaliser les
acrobaties demandées.
« Le fait que Simone Biles parle ouvertement de sa santé
mentale à un moment où la lumière était braquée sur elle a été une
formidable caisse de résonnance » estime Michael Phelps.
Le message de sensibilisation à la dépression de « The
Baltimore Bullet » ne se limite pas seulement aux athlètes mais
concerne l’ensemble de la population. « La dépression nous
côtoie bien plus qu’on ne le croit. Sur 30 ou 40 personnes que vous
connaissez, il y a une forte probabilité qu’au moins un d’eux
souffre en silence. Parce qu’aux yeux de l’opinion publique, encore
aujourd’hui, la dépression est assimilée à une honte »
explique-t-il dans une longue interview accordée au Figaro ce
mardi. Il espère que son action permettra de sauver au moins une
vie.
« Pour moi, c’est plus important que de gagner une médaille
d’or ».
Quentin Haroche