La toxicité de la surcharge en fer pour l’organisme n’est plus à démontrer. Le fer libre plasmatique, qui apparaît lors des situations de surcharge après augmentation de la saturation de la transferrine, est le principal responsable de cette toxicité. Il pénètre facilement dans les cellules, en particulier celles du foie et du cœur, et entraîne la formation de radicaux libres à l’origine de mort cellulaire. Afin d’apprécier la surcharge en fer des organes cibles, il est nécessaire de disposer d’outils complémentaires à la ferritinémie. Dans ce cadre, l’IRM occupe une place de choix de part son caractère non invasif, en particulier chez les patients myélodysplasiques pour lesquels la biopsie est contre-indiquée.
Protons, champ magnétique et T2*
L’IRM permet d’étudier l’interaction des noyaux d’hydrogène avec un champ magnétique. Dans le premier temps de l’examen, les protons sont soumis à un champ magnétique et se mettent dans l’axe de l’aimant. Puis, une courte impulsion magnétique (perpendiculaire au champ magnétique initial) les fait basculer. Les protons retournent ensuite à leur position initiale dans l’axe de l’aimant, en émettant un signal qui diminue progressivement. La décroissance de ce signal peut être mesurée à différents temps d’écho (TE). Le temps de décroissance total, ou temps de relaxation, émis par les protons jusqu’au retour à l'équilibre correspond à la constante T2*. A noter que dans la littérature, on parle parfois du R2* qui est égale à 1/T2*. L’augmentation de la concentration en fer d’un organe accélère le temps de relaxation et entraîne une baisse du signal. En mesurant cette diminution du signal, il est ainsi possible de quantifier la concentration en fer.
Le fer dans le foie
Deux grandes techniques ont été développées pour quantifier la
concentration hépatique en fer par IRM.
La première d’entre elles, Ferriscan (1), est approuvée par la FDA,
mais nécessite une procédure particulière à savoir l’envoi de
toutes les données sur un site agréé pour une acquisition et une
lecture centralisées.
La seconde technique, publiée en 2004 par Y Gandon et coll. (2),
est plus simple. Elle repose uniquement sur la mesure du rapport de
signal foie/muscles à différents temps d’écho. Une comparaison avec
une série expérimentale où avait été mesurée par biopsie la
concentration hépatique en fer permet de donner directement la
concentration hépatique en fer en micromole par g de foie sec. Le
calcul s’effectue en se connectant sur un site internet. Problème
avec cette technique : il existe une saturation à 10 fois la
normale. Une séquence complémentaire a ainsi été développée par
Rose C et coll. en 2006 pour les fortes surcharges en fer, allant
jusqu’à 20 fois la normale (3,4).
Le fer dans le coeur
Les biopsies cardiaques n’étant pas réalisable en routine clinique, la seule mesure possible pour évaluer une surcharge cardiaque en fer est ainsi le calcul du T2*. Le T2* cardiaque permet d’éliminer ou d’affirmer la présence d’une surcharge cardiaque en fer mais ne donne pas de véritable concentration en fer par gramme de tissu comme pour le foie. La valeur du T2* cardiaque (>20msec) a été publiée en 2001 par Anderson LJ et coll. (5). Si le T2* est < 20 ms, il existe une surcharge en fer. Une ou plusieurs séquences multi-échos sont réalisées pendant l’IRM cardiaque avec mesure du signal du septum interventriculaire. Le T2* est ensuite calculé. Durant le même temps, il est également possible de mesurer la fraction d’éjection du ventricule gauche.
En pratique
O. Ernst (Lille) a souligné l’absence de concordance directe
entre la surcharge hépatique en fer et la surcharge cardiaque et il
a également insisté sur le fait que la surcharge en fer diffère
selon son étiologie : dans l’hémochromatose génétique, la surcharge
est principalement hépatique, alors que dans la thalassémie, elle
est aussi cardiaque. En pratique, O. Ernst conseille la réalisation
d’une IRM foie/cœur. Il s’agit d’un examen simple et court (< 30
minutes).
L’IRM du foie est intéressante avant la mise en route d’un
traitement chélateur pour quantifier la surcharge globale en fer,
et lors du suivi pour évaluer l’efficacité du traitement. Sans
oublier d’effectuer une séquence complémentaire si la surcharge
hépatique est supérieure à 8 à 10 fois la normale.
Le calcul du T2* cardiaque est indispensable dans le suivi des
sujets thalassémiques. Sa place reste à définir dans les syndromes
myélodysplasiques. Enfin, O. Ernst a insisté sur le fait que le T2*
cardiaque se modifie lentement et qu’il faut attendre au minimum 1
an avant de renouveler cette mesure.
Dr Laurence Houdouin