Les valeurs de référence des examens de l'hémostase établies chez l'adulte ont jusqu'à maintenant été utilisées chez les enfants. Cependant, cette fonction n'est pas mature avant l'âge de 6 mois et pour certaines protéines ou inhibiteurs de la coagulation les valeurs adultes ne sont atteintes que plus tard dans l'enfance.
Une étude prospective du système de l'hémostase a été effectuée chez des enfants sains devant subir des actes chirurgicaux mineurs afin d'établir les normes des valeurs du bilan d'hémostase chez l'enfant et de permettre une meilleure compréhension du moindre risque de thrombose observé chez l'enfant. Entre 1989 et 1991, 263 enfants âgés de 1 à 16 ans ont été étudiés et les résultats ont été regroupés par tranches d'âge (de 1 à 5 ans, de 6 à 10 ans et de 11 à 16 ans) et comparés aux valeurs d'un groupe de 29 adultes témoins.
Des valeurs différentes
Les tests habituels de dépistage, taux de prothrombine (TP : 11
à
12 sec), temps de céphaline activée (TCA : 30 à 33 sec) et taux de
fibrinogène (2,76 à 3 g/l), étaient identiques à ceux observés chez
l'adulte.
En revanche, en utilisant un dispositif pédiatrique automatique
(Surgicut™, International Technidyne, Edison, NJ, USA) le temps de
saignement a été plus long chez l'enfant : jusqu'à 13 min comparé à
7 min chez l'adulte. Ainsi 27% des jeunes patients ont présenté
des
valeurs supérieures à celles de l'adulte.
A cet égard, il faut faire remarquer que ce système a entraîné chez l'adulte des temps moins prolongés qu'avec le système habituel, probablement en raison d'une coupure de plus petite taille avec le matériel à usage pédiatrique.
Les facteurs dépendants de la vitamine K (II, VII, IX, X) étaient moins élevés chez l'enfant, de même que les facteurs contacts (XI et XII) chez les 11/16 ans. Les taux de la prékallikréine et des kininogènes de haut poids moléculaire étaient analogues à ceux de l'adulte.
Le taux du facteur V a diminué progressivement au cours de l'enfance atteignant ses valeurs les plus basses chez les 11/16 ans.
Le facteur VIII et le facteur de von Willebrand avaient une distribution très large avec certaines valeurs très élevées. Les taux des facteurs XIII-a et XIII-b étaient plus importants avant 10 ans.
Des différences importantes concernant les concentrations plasmatiques de nombreux inhibiteurs de la coagulation ont été constatées entre les enfants et les adultes.
Les valeurs moyennes et la limite inférieure de la normale pour la protéine C et la protéine S étaient nettement plus basses chez l'enfant : moyennes de 0,66-0,69-0,83-0,96 U/ml pour la protéine C en fonction des tranches d'âge avec 25% des enfants ayant moins de 0,64 U/ml et 15% des valeurs de protéine S inférieures à 0,60 U/ml.
En revanche, les valeurs de l'*2-macroglobuline et du C1-inhibiteur étaient plus hautes dans la petite enfance et l'*2-macroglobuline est restée élevée pendant toute l'enfance.
Pour ce qui concerne le système fibrinolytique, le plasminogène et l'*2-antiplasmine sont apparus similaires à ceux de l'adulte ; l'activateur tissulaire du plasminogène était bas et l'inhibiteur de l'activateur du plasminogène, élevé.
Ces différences biologiques ont des conséquences physiologiques : les enfants n'ont pas plus de risque de saignement que les adultes et ils ont même moins de risque de complications thrombo-emboliques qu'eux.
Ainsi, par exemple les premières complications thrombo-emboliques observées dans les déficits en protéine C, protéine S et antithrombine III surviennent rarement dans l'enfance et celles développées au cours du syndrome néphrotique atteignent 20 % des adultes et 2% des enfants. De même, elles sont exceptionnelles en post-opératoire.
Les concentrations basses de prothrombine, et élevées d'*2-macroglobuline peuvent constituer des éléments protecteurs vis-à-vis de la thrombose.
Les fonctions des parois vasculaires et des plaquettes peuvent également jouer un rôle (allongement du temps de saignement chez l'enfant).
En conclusion le système de la coagulation chez l'enfant est
distinctement différent de celui
de l'adulte ce qui aboutit à une moins grande fréquence des
complications thrombo-emboliques.
Les résultats de cette étude apportant de nouvelles "normes" pourront également permettre de mieux comprendre et interpréter les bilans de coagulation, en particulier dans le cadre de l'évaluation de maladies familiales de la coagulation ou en cas d'interventions chirurgicales complexes à haut risque de thromboses comme les transplantations ou la chirurgie cardiaque infantile.
Andrew M. et coll. : "Maturation of the hemostatic system during chidhood". Blood, 1992 ; 80 : 1998-2005.
Nicole Triadou