Le tissu adipeux livre ses secrets

Le tissu adipeux est généralement considéré comme un organe passif, voire inerte, dont la seule fonction serait d'assurer le stockage des triglycérides. Cette vision traditionnelle a été bouleversée par les découvertes des dix dernières années, mais elle reste vivace dans l'esprit de nombreux médecins. C'est la découverte de la leptine, hormone de la satiété, qui a inauguré les recherches sur les adipocytes impliqués dans sa sécrétion et entraîné, par la suite, la découverte de nombreuses substances peptidiques (et autres) au sein de ce tissu méconnu. Parmi celles-ci, figurent désormais en bonne place les cytokines et les composés apparentés qui sont capables d'agir sur les adipocytes eux-mêmes, par l'intermédiaire de récepteurs spécifiques, et d'assurer ainsi potentiellement une double fonction, autant autocrine qu'endocrine. Le tumor necrosis factor alpha (TNF-alpha) est actuellement l'une des cytokines adipocytaires les mieux connues.

Le rôle du TNF-alpha dans l'obésité

Dans divers modèles expérimentaux d'obésité et de diabète, ses taux s'élèvent aussi bien dans le sang circulant que dans le tissu adipeux. Les données recueillies in vitro et in vivo suggèrent que cette cytokine est bel et bien capable d'induire une insulinorésistance par l'intermédiaire d'une régulation négative des récepteurs GLUT4 et d'une inhibition de l'activité des récepteurs insuliniques.
Chez l'homme obèse, les taux de TNF-alpha sont également élevés dans les mêmes compartiments tissulaires. Cependant, aucune corrélation étroite n'a, pour l'instant, été établie entre les concentrations de cette cytokine et l'insulinorésistance, de sorte que son rôle pathogénique est encore mal connu.

Les interleukines et l'adiponectine

L'interleukine-6 (IL-6) est également produite en abondance au sein du tissu adipeux humain, tout particulièrement ses localisations abdominales qui se distinguent ainsi de la graisse sous-cutanée. Les taux plasmatiques d'IL-6 sont positivement corrélés à l'index de masse corporelle (IMC), mais aussi à la mortalité tant globale que cardio-vasculaire, tout au moins dans certaines études épidémiologiques récentes.
Il semble que 30 % de l'IL-6 circulante proviennent du tissu adipeux lui-même. En outre, chez l'obèse, il se pourrait que l'augmentation des taux plasmatiques de C-reactive protein (CRP) soit, au moins en partie, liée aux effets de l'IL-6 qui, au niveau du foie, stimule la production des protéines de la phase aiguë. Certaines études ont montré que la perfusion continue de cette cytokine entraînait une lipolyse marquée au sein du tissu adipeux, révélée par l'augmentation de la production d'acides gras libres. De ce fait, l'IL-6 serait douée d'effets à la fois autocrines et endocrines. L'IL-8 qui est également sécrétée par ce tissu, serait capable, pour sa part, de stimuler l'athérogenèse, mais, paradoxalement, sa production augmenterait lors d'une perte de poids. Il ne faut pas oublier l'adiponectine qui est une protéine apparentée aux cytokines, exprimée en grande abondance (et exclusivement) par les adipocytes. Ses taux sont élevés chez le sujet maigre et bas chez l'obèse. L'adiponectine augmente la sensibilité à l'insuline. Les thiazolidinediones (glitazones) entraînent une augmentation de ses taux plasmatiques et une partie de leurs effets bénéfiques pourrait passer par cette cytokine qui serait une plaque tournante au sein du tissu adipeux. En effet, le TNF et l'IL-6 diminuent son expression tissulaire. En outre, les variations de l'IL-6 sont négativement corrélées aux taux plasmatiques de l'adiponectine.

Il semble ainsi que le tissu adipeux soit impliqué dans la pathogénie de certaines complications liées à l'obésité, voire dans bien d'autres pathologies, même si les données concluantes font encore défaut.

Dr Philippe Tellier


Richelsen B. Cytokines in human adipose tissue. ECE, Lyon, 26-30 avril 2003. © Copyright 2003 http://www.jim.fr

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