Paris, le samedi 16 juin 2012 – La question de la dépénalisation, voire de la légalisation du cannabis, demeure un sujet de débat récurrent et périodique dans nos sociétés, l’actualité récente nous en a fournit de nouvelles illustrations. Et si aujourd’hui, il est de moins en moins de voix pour présenter ce produit stupéfiant comme inoffensif et uniquement récréatif, rares sont ceux qui soupçonnent les nombreux méfaits associés à ce produit. Et d’abord qu’est-ce que le cannabis ? Quelles évolutions majeures a connu sa production ces dernières années et dans quel but ? Comment est-il consommé et surtout comment agit-il sur notre cerveau ? Le professeur Jean Costentin, fervent opposant à toute idée de dépénalisation de la consommation de cannabis, nous le rappelle avec force détails dans cette tribune. JIM
« Pandémie canabique »
Le chanvre indien, par son principe actif, le tétrahydrocannabinol (THC) est à l’origine d’une véritable « pandémie cannabique ». La France est en Europe au premier rang de ses consommateurs (1 700 000 usagers réguliers); 300 000 de nos collégiens l’ont déjà expérimenté. Or plus tôt l’essayer, c’est plus vite l’adopter et plus intensément se détériorer, car la maturation du cerveau de l'adolescent mobilise des endocannabinoïdes, dont le THC caricature la fonction.
Méthode à suivre pour doper la teneur en THC
En outre, dans les produits en circulation, le taux de THC s’est accru d’un facteur 4 à 8 au cours des dernières décennies, par des sélections et manipulations génétiques, mais aussi par la « culture du chanvre en chambre ». Cette dernière est facilitée par les « Grow shops », boutiques où s'acquiert le matériel pour une culture hydroponique, pour réguler le cycle jour-nuit, la température, l'hygrométrie et la maîtrise des longueurs d’onde de la lumière : tout cela au service d’une production maximale de THC.
Un effet pas pipé
La résine (haschich ou shit) davantage consommée que les fragments de plante elle-même (marijuana) sert, on le sait, à confectionner des« joints » (la résine étant égrenée dans du tabac). Ces derniers, également appelés « pétards » seront fumés de façon classique ou de plus en plus souvent à travers des pipes à eau. Ces dernières (chicha /shilom /bang /bong) permettent d’inhaler d’un seul trait plus de trois litres de fumées refroidies par un barbotage dans l’eau fraîche, là où l’aspiration de la fumée d’une cigarette, par l’échauffement de la bouche, restreint l’aspiration à une dizaine de millilitres.
Coups de génie !
Outre ces différentes « manipulations » destinées à accroître la teneur en THC du cannabis aujourd’hui consommé, le THC a plusieurs « génies » :
- Il est actif à des concentrations de l’ordre du microgramme
par litre de sang (mille fois moins que les morphiniques, un
million de fois moins que l’alcool).
- Sa lipophilie est exceptionnellement élevée (coefficient de
partage huile/eau de 100 000 000, i.e.LogP = 108).
Ainsi, confronté simultanément à une phase aqueuse (le plasma), et
à une phase lipidique (le cerveau), il se concentre cent millions
de fois plus dans le cerveau que dans le plasma. Apporté rapidement
au cerveau, le THC n’en repart pas, car il se dissout dans la
bicouche lipidique des membranes neuronales et gliales ; il en sera
relargué au très long cours; chaque nouveau « joint » augmente ce
stockage. On peut résumer ainsi : un joint c’est du THC pour une
semaine dans la tête et de nombreux joints ce sont des mois de THC
dans le cerveau et dans les panicules adipeux.
- Enfin, le THC a une haute affinité pour les récepteurs des
substances endogènes que sont les endocannabinoïdes (dérivés de
l’acide arachidonique tels l’anandamide, le
diarachidonoylgycérol…). Ces récepteurs, des types CB1
(cérébraux) et CB2 (surtout périphériques) sont
ubiquistes ; ce sont les plus nombreux des récepteurs couplés aux
protéines G du cerveau. Ils participent à une large variété
d’effets centraux, étant impliqués de façon majeure dans la
régulation des activités synaptiques en relation avec la subtilité
du fonctionnement neuronal.
Un effet cancérogène sept fois supérieur au tabac
Ces « génies » du THC sont à l'origine des principaux effets et méfaits suivants :
- Il induit rapidement une dépendance psychique (de là, malgré
son caractère illicite, ses 1 700 000 addicts) ; sa dépendance
physique est prouvée mais masquée par sa longue rémanence).
- Il est générateur d’ivresse (relations avec l’accidentologie
routière et professionnelle). Il est psycholeptique, presque
hypnogène (avec potentialisation par l’alcool, les benzodiazépines,
les antihistaminiques H1 ou les adrénolytiques
α1 d’actions centrales…). Il perturbe gravement la
mémoire opérationnelle et, partant, l’activité cognitive/éducative.
Il est analgésique, myorelaxant, orexigène et anti-émétique. Il est
désinhibiteur, incitant à des prises de risque, des actes
médico-légaux, agressions, crimes, rapports sexuels non consentis,
non protégés… L’anxiolyse lors des premiers usages, par une
tolérance, se mue en une anxiété vive ; tout comme ses effets de
type antidépresseurs, qui font place à une dépression sévère, avec
ses risques suicidaires. Il participe aux poly toxicomanies si
communes actuellement. Ses relations avec la schizophrénie sont
désormais bien établies dans leur déclenchement, leur aggravation,
leur résistance aux traitements, et dans la dangerosité des
psychotiques.
- Il est à l’origine d’une cancérogénèse ORL et broncho-pulmonaire
sept fois supérieure à celle du tabac, d’une toxicité
cardio-vasculaire (artérites, déclenchement d’infarctus, accidents
vasculaires cérébraux). Il est immunodépresseur (pneumonies,
aggravation du SIDA…). Il diminue la sécrétion de testostérone. Il
est impliqué dans un cancer testiculaire (le germinome). Il rend la
femme qui fume tabac et cannabis incapable, quand elle est
enceinte, de stopper ces deux drogues, avec pour rançon :
prématurité, petit poids de naissance, retard du
développement psychomoteur, risque accru de mort subite et
incidence accrue de syndrome d’hyperactivité avec déficit de
l’attention.
A partir de ce dossier si fourni en éléments à charge, prôner l'acquittement du cannabis, sa dépénalisation et bientôt sa légalisation, au-delà de sa méconnaissance, plus qu’une faute de jugement, s’apparente à un crime contre le bon sens, la jeunesse, la santé et la société.
Professeur Jean Costentin