Les sportifs, professionnels ou non, peuvent parfois souffir des genoux. Au cours du VIIe séminaire de rhumatologie du sport qui a récemment eu lieu à Da Balaia (Portugal), une revue de ces douleurs et de leurs causes a été effectuée.
Les douleurs antérieures
Parmi les tendinopathies antérieures, les tendinites du tendon rotulien sont fréquentes, alors que les ruptures concernent surtout le tendon quadricipital (H. Bard). Ces tendinites rotuliennes correspondent d'ailleurs plus à des enthésopathies qu'à d'authentiques tendinites car, comme le montre bien l'IRM, les lésions se situent au niveau de l'insertion du tendon sur la pointe de la rotule, à la face profonde de ce tendon. Ceci explique les difficultés de palpation de cette zone.
Le traitement initial est très simple : repos sportif, AINS, glaçage, étirements progressifs. Une infiltration locale d'Hydrocortancyl® peut être utile, à condition d'être effectuée en péri-tendineux et que soit respecté le repos sportif. La rééducation doit être parfaitement exécutée pour éviter les récidives et comporte des étirements et des exercices excentriques pendant 6 à 8 semaines.
Les tendinites rebelles au traitement initial nécessitent parfois un délai de 3 à 6 mois avant d'obtenir la guérison. La chirurgie est nécessaire en cas de fortes réactions inflammatoires avec formations kystiques qui peuvent être parfois considérables. La mésothérapie doit être évitée à cause surtout du risque de complications.
Les bursites pré-rotuliennes sont de diagnostic facile et nécessitent d'être ponctionnées. L'infiltration est proscrite en raison du risque important de sepsis.
T. Boyer a étudié les lésions cartilagineuses de la rotule en réalisant une série de 300 arthroscopies chez des sujets présentant une pathologie non rotulienne. Aucune différence entre les sportifs de loisir et les professionnels ni entre les sportifs et les non sportifs n'a été relevée quant à l'existence de lésions rotuliennes asymptomatiques. Seuls les sujets de plus de 40 ans, sportifs ou non, avaient davantage de chondropathies. Par ailleurs, les lésions siègeaient essentiellement sur la facette interne de la rotule.
Il n'empêche que la pathologie rotulienne est très fréquente chez le sportif représentant 10% des motifs de consultation à l'INSEP. Les pratiques à risque sont surtout la gymnastique, les sauts, l'haltérophilie, le cyclisme, le ski. En revanche, la course à pied n'a pas d'effet délétère sur le cartilage de la rotule et peut même, comme le montrent les études expérimentales, renforcer et augmenter l'épaisseur du cartilage.
Le rôle des traumatismes et des chocs directs semble très important, provoquant des fissures cartilagineuses ou de l'os sous-chondral qui passent souvent inaperçues.
Un cas particulier est constitué par la chondropathie isolée du sujet sportif de moins de 20 ans qui siège sur la facette interne, alors que le reste de la rotule est normal. Une hydarthrose est présente, ce qui n'est pas banal à cet âge. Le traitement arthroscopique consiste en une résection du volet cartilagineux avec régularisation.
Enfin, les replis synoviaux internes peuvent parfois être responsables de douleurs, de pseudo-blocages, après un traumatisme (J.P. Bonvarlet). En fait, les plica sont présentes chez près de 50% des sujets et sont exceptionnellement pathologiques. De ce fait, il faut que les signes soient caractéristiques avec une plica nette, dure, avant de pouvoir incriminer cette configuration anatomique dans la survenue de douleurs antéro-internes. L'indication opératoire reste donc tout à fait exceptionnelle.
Les douleurs internes
Les lésions méniscales internes sont le plus souvent classiques et ne posent de problèmes ni diagnostiques ni thérapeutiques.
Quelquefois cependant un aspect inhabituel (T. Boyer) peut être découvert comme, par exemple, un ménisque interne discoïde dont une trentaine de cas ont été rapportés. Une hypoplasie du ménisque interne avec une corne externe normale peut aussi être dévoilée, souvent associée à une hyperlaxité ligamentaire. Les ossicules méniscaux semblent être plutôt dus à une avulsion de la corne postérieure qu'à une métaplasie. D'une extrême rareté est la lésion isolée de la corne antérieure du ménisque interne. Quant aux kystes méniscaux internes, ils sont beaucoup plus exceptionnels que leurs homologues externes.
Chez les vétérans, les lésions se greffent sur des ménisques dégénératifs. Typiquement, après un traumatisme, on retrouve une lésion nette à type de fissure de la partie postérieure du ménisque. Le traitement consiste en une méniscectomie partielle, avec régularisation du cartilage s'il existe une chondropathie.
Parmi les autres douleurs internes, citons encore la tendinite de la patte d'oie qui est en fait beaucoup plus rare que ce qui est rapporté (H. Bard) : il s'agit plutôt d'une tendino-bursite et non d'une enthésopathie. Les tendinites du demi-membraneux sont exceptionnelles, et se voient surtout chez les coureurs ; la douleur y est postéro-interne et réveillée par la palpation de l'insertion musculaire.
Les douleurs externes
Le syndrome de balayage du fascia lata (H. Bard) s'accompagne d'une inflammation des fibres postérieures de la partie terminale du tendon qui butent contre la saillie du condyle externe lors de la course. Ce syndrome intéresse les coureurs de fond, parcourant des distances importantes, lors d'une modification de l'entraînement ou du terrain, chez des sujets porteurs d'un genu varum. Il s'agit donc d'une pathologie de surmenage typique.
La tendinite du poplité semble très rare et se traduit par une douleur postéro-externe. Elle s'observe essentiellement chez les coureurs.
Dans près d'un tiers des ruptures du ligament croisé antérieur, il existe des lésions du ménisque externe (A. Frank) qui passent au second plan et sont souvent méconnues. Le diagnostic est difficile nécessitant une arthrographie ou une IRM. Alors que les lésions du ménisque interne sont le plus souvent verticales, celles du ménisque externe sont volontiers horizontales ou complexes. Dans ce dernier cas, la méniscectomie devra donc fréquemment être plus étendue, ce qui risque de gêner la mécanique externe du genou : l'abstention ou à défaut un traitement économique doivent donc être préférés en premier lieu ; en cas de lésion complexe, une réparation du pivot central doit être associée si l'on veut que la cicatrisation du mur méniscal s'opère dans de bonnes conditions. Globalement, les lésions du ménisque externe sont de diagnostic et de traitement plus difficiles avec des suites et des résultats moins satisfaisants.
Un kyste méniscal externe peut être secondaire à un ménisque discoïde, à une lésion fissuraire traumatique ou dégénérative (P. Bonvarlet). Le retard diagnostique est souvent important, pouvant atteindre plusieurs années, car la douleur est en général peu intense et inconstante à l'origine d'une gêne minime. Ce n'est donc qu'en cas de mauvaise tolérance qu'un geste thérapeutique peut être proposé : simple ponction-infiltration ou méniscectomie externe partielle avec kystectomie par voie endoscopique.
Une douleur externe peut aussi être en rapport avec une luxation de l'articulation péronéo-tibiale supérieure (M. Revel) parfois associée à une sensation de ressaut ou d'instabilité. Un traitement par infiltration et immobilisation pendant 3 à 4 semaines est habituellement suffisant. En cas de récidives et d'échecs du traitement médical, la chirurgie doit être envisagée : arthrodèse et résection sous-jacente.
Les douleurs postérieures
Le kyste poplité résulte d'une communication entre la cavité articulaire et la bourse du jumeau interne et du demi-membraneux (J.P. Bonvarlet) : il s'agit donc bien d'une bursite et non d'un kyste. Cette bursite peut cependant parfois être isolée et être indépendante de l'articulation.
Parmi les autres causes plus rares de douleurs postérieures, on décrit des lésions isolées de la corne postérieure du ménisque externe qui ne nécessitent pas toujours un traitement arthroscopique car elles sont souvent incomplètes.
La tendinite du poplité provoque habituellement des douleurs postéro-externes, mais dans certains cas, chez le coureur, la douleur est purement postérieure et disparaît après infiltration à la xylocaïne.
Le syndrome de la fabella a fait couler beaucoup d'encre, alors qu'il s'agit d'une pathologie exceptionnelle, survenant chez des coureurs, affirmé par un test à la xylocaïne. D'autres étiologies plus rares de douleurs postérieures existent aussi : demi-membraneux accessoire, téno-périostite des jumeaux, bursite du jumeau externe, kyste du ligament croisé postérieur.
Il faut surtout rappeler que les douleurs postérieures sont fréquemment projetées nécessitant toujours de rechercher une cause, notamment articulaire, avant d'incriminer les différentes structures postérieures.
Philippe Brissaud
VIIe Séminaire de rhumatologie du sport, 1992.
Les sports à risque pour le genou
Quels sont les sports à risque pour le genou (J.P. Bonvarlet) ? En dehors du ski et du football, le handball est un sport à risque en ce qui concerne les entorses graves de même que le judo, le hockey sur glace et sur gazon, le rugby mais pas la gymnastique ni l'athlétisme.
Les sports d'impulsion sont aussi sources de pathologie du genou intéressant surtout l'appareil d'extension. Les syndromes rotuliens s'aggravent lors de la pratique de la brasse en raison des sollicitations de l'aileron rotulien interne. En cas de lésion du pivot central, tous les sports de pivot sont à exclure, notamment le tennis, le football et même le golf. Après réparation du pivot central et 9 mois de repos sportif tous les sports peuvent être autorisés. Le débat des protections ligamentaires par orthèses articulées reste ouvert car aucune étude n'a montré leur réelle efficacité.
L'existence d'une instabilité chronique du genou, bien que peu gênante dans la vie de tous les jours, peut devenir dangereuse, voire mortelle, dans la pratique de certains sports comme l'alpinisme, la spéléologie ou la voile. En revanche, une pratique normale du judo peut être envisagée, à condition de ne pas faire de compétitions.
La pratique sportive nécessite donc un bilan correct du genou en expliquant les risques au sportif et en modulant les interdits selon la personnalité de celui-ci.
Ph. B.
BRISSAUD PHILIPPE