Les traitements ciblés des cancers digestifs représentent une voie nouvelle qui doit répondre aux échecs des stratégies reposant sur la chimiothérapie. L’exemple des cancers colorectaux (CCR) est le plus édifiant à cet égard. La prise en charge des formes métastatiques a évolué au cours des trois dernières années.
Le cétuximab et le bevacizumab dans les cancers du côlon
Ainsi, en 2004, un anticorps anti-angiogénique, le bevacizumab,
a été associé à une chimiothérapie avec des réponses significatives
en termes de taux et de durée de survie. Les anticorps
anti-angiogéniques sont des anticorps humanisés qui ont une durée
d’action prolongée de 3 à 4 semaines, de sorte que l’organisme est
exposé en permanence à leurs effets au cours de cette période, avec
deux risques potentiels : une toxicité vasculaire (hypertension
artérielle) et un ralentissement de la cicatrisation qui peut
favoriser les complications opératoires.
Une autre classe thérapeutique est en cours de développement, les
anti-récepteurs de l’EGFR, dont le chef de file est un anticorps
monoclonal, le cétuximab, doué d’une action anti-tyrosine-kinase.
Ce médicament a été utilisé avec un certain succès dans les CCR
résistant à la chimiothérapie, tout au moins en termes de survie
sans progression de la maladie. Des résultats encourageants ont
d’ores et déjà été obtenus, mais il convient de les confirmer par
d’autres essais randomisés.
Le cétuximab et le bevacizumab sont actuellement testés en tant
qu’adjuvants dans les cancers du côlon à haut risque de récidive en
cas de métastases ganglionnaires. La toxicité des inhibiteurs de
l’EGRF est en général contrôlable. Le principal effet secondaire
consiste en des éruptions cutanées maculo-papuleuses gênantes qui
sont souvent corrélées à l’efficacité thérapeutique.
Au sein de la classe des anti-angiogéniques, il faut citer des
petites molécules douées d’une activité anti-tyrosine-kinase qui
agissent au niveau des récepteurs VEGFR. Elles sont actives par
voie orale, mais leur efficacité dans le traitement des cancers du
côlon et du rectum n’a pas été pour l’instant établie.
Pour ce qui des autres tumeurs digestives, force est de
reconnaître que les données sont actuellement peu nombreuses.
Certes, beaucoup d’études sur les traitements ciblés sont en cours
et leurs résultats sont attendus avec impatience.
Le sorafénib dans les carcinomes hépatocellulaires
Cependant, le sorafénib qui a une action «multicibles» suscite d’ores et déjà des espoirs dans la prise en charge des carcinomes hépatocellulaires non résécables, développés sur cirrhose, puisque ce médicament, actif par voie orale, serait à même d’allonger la survie de 44 %. Son efficacité a par ailleurs été démontrée dans d’autres tumeurs malignes comme le cancer du rein.
L’imatinib, le sunitinib et l’erlotinib
D’autres produits à action multicibles, comme l’imatinib et le sunitimib, actifs per os, sont en cours d’évaluation dans les adénocarcinomes du pancréas et les tumeurs colorectales. L’erlotinib, associé à la gemcitabine, a augmenté un peu (mais significativement) la durée de la survie chez les malades atteints d’un adénocarcinome du pancréas, et cette thérapie ciblée représente également un espoir bien qu’encore timide.
Dr Henri Barrat