
Paris, le samedi 8 octobre 2016 – Les réflexions autour de l’utilité de l’art sont sans fin. Entre un "art pour l’art" comme l’entendaient les amoureux de Mallarmé et un art dont l’ambition politique et sociale est parfaitement assumée il n'existe pas de frontière stricte. Il est certain en tout état de cause que même lorsqu’il fait vœu d’utilité publique, l’art ne s’affranchit jamais d’exigences esthétiques. C’est ce que démontreront certaines des présentations réalisées ce week-end et tout au long de la semaine dans le cadre de la Fête de la Science, qui une nouvelle fois, mettront en évidence les dialogues entre le beau et la science, l’art et la connaissance, le visible et l’invisible. Plusieurs des expositions (notamment celles dédiées aux enfants) se concentreront en effet sur la découverte des cinq sens, dont la vue, avec des expériences souvent étonnantes.
Dans la peau des aveugles
La chaîne Arte propose également de vivre une aventure inédite autour de la vue. Ce mercredi 12 octobre, elle diffusera le documentaire poétique Notes on Blindness : into darkness qui évoque le destin de John Hull. Ce professeur de théologie britannique mort en 2015 et devenu aveugle en 1981 a exploré, pendant des années, ses impressions sur l’installation de la cécité à l’aide d’enregistrements. Epreuve physique et expérience mystique se côtoient dans ce documentaire émouvant. Ce dernier se double d’une proposition inédite d’Arte aux utilisateurs de casques virtuels (Samsung Gear VR et Oculus). Il s’agira de s’inscrire dans les pas de John Hull afin de partager l’expérience de la cécité. « Nous avons utilisé les archives de John lui-même, ses fameuses cassettes audio. Les images qui apparaissent, en pointillé, dans l'expérience virtuelle, ne le font que lorsqu'elles émettent du son. Au début il voyait encore, donc dans les premiers chapitres on reconnaît encore les choses, puis on bascule dans un autre univers, vers un mode synesthésique de perception, c'est beaucoup plus abstrait, intérieur et intime » explique l’un des concepteurs du programme, Amaury La Burthe, d'Audiogaming, cité par France Inter. Ce programme offre la possibilité de franchir la frontière de l’invisible : une expérience à la fois utile (pour mieux comprendre les aveugles) et poétique.
Dans la peau des invisibles
C’est également ce que propose la bande dessinée La Différence invisible de Mademoiselle Caroline et Julie Dachez récemment publiée aux Editions Delcourt. La dessinatrice (Mademoiselle Caroline) retrace dans cette œuvre son parcours personnel : la découverte du syndrome d’Asperger, diagnostiqué à l’âge adulte. Avant cette annonce des médecins, la jeune femme compose avec son décalage permanent, trouve des subterfuges pour s’adapter à un monde dont elle se sent parfois étrangère et dont elle ressent le bruit comme une agression. Le dessin permet de traduire avec précision et émotion le sentiment d’exclusion et de marginalité, grâce à un jeu subtil sur les couleurs et les ombres. Au-delà de la volonté de transmettre un message "d’utilité publique" affirmée par l’auteur, cette bande dessinée séduira plus largement l’ensemble des lecteurs grâce à sa finesse et au caractère attachant de son personnage.
Exposition : Fête de la Science, du 8 au 16
octobre, partout en France, https://www.fetedelascience.fr/
Télévision (et réalité virtuelle) : Notes on Blindness :
into darkness, Arte, mercredi 12 octobre, 20h40
Bande dessinée : La Différence invisible,
Mademoiselle Caroline et Julie Dachez, Editions Delcourt, 200
pages, 23 euros
Aurélie Haroche