Paris, le samedi 10 décembre 2022 – De toutes parts, des
appels sont lancés au gouvernement et au Président de la République
pour décrire les difficultés de notre système de santé et la
dégradation des soins dispensés aux Français. Dans Le Monde, la
semaine dernière, 10 000 soignants intervenant en pédiatrie
évoquaient ainsi à l’intention d’Emmanuel Macron les enfants
hospitalisés sur des brancards, les transferts à des centaines de
kilomètres et les sorties trop précoces. Le Collectif santé en
danger qui regroupe de nombreux syndicats et associations de
professionnels a également choisi de s’adresser directement au chef
de l’Etat, afin de lui décrire le désarroi de ceux pour qui soigner
était une vocation. « Les soignants de ce pays sont déçus et
découragés de ne pas se sentir entendus » écrit-il espérant que ce
nouveau cri d’alarme, qui compte également de nombreuses
propositions, tant pour l’hôpital que pour la ville, sera enfin
écouté. Les colonnes du JIM lui sont ouvertes
Par le Collectif santé en danger
Monsieur le président de la République, Emmanuel MACRON Madame la
Première ministre, Élisabeth BORNE
Monsieur le ministre de la Santé et de la Prévention, François
BRAUN
Madame la ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la
Prévention, Agnès FIRMIN LE BODO
Madame la directrice générale, Santé Publique France, Geneviève
CHÊNE L’ensemble des Français
« Ce n'était peut-être pas parfait mais tout est à
l’imparfait maintenant…
Avant, j’avais foi en cette passion qui était devenue mon métier.
Avant, je croyais qu’aimer l’Humain suffisait à faire les choses
“comme il faut”.
Avant, j’espérais que dans un pays comme le nôtre nous ne pourrions
que faire mieux encore et encore…
Avant, quand je disais à une patiente “je reviens”, je revenais
vraiment.
Avant, je pouvais les regarder droit dans les yeux en leur assurant
que le meilleur serait fait. Avant, je partais bosser avec
tellement de plaisir.
Avant, je me souvenais de chaque nom de chaque patiente.
Aujourd’hui, en plus de me sentir complice d'un système de santé
qui meurt, je suis épuisée et je m’évertue à éviter le pire à
défaut de pouvoir faire le mieux.
Aujourd’hui, je passe mon temps à m’excuser de ne jamais avoir pu
revenir.
Aujourd’hui, j’ai appris à prier très fort pour qu’on ne me pense
pas maltraitante, simplement parce que je n'ai plus le temps.
Aujourd’hui, je refuse de devenir une soignante qu'on m’impose
d’être faute de moyens. Aujourd’hui, je n’y crois plus, tout
simplement. »
Ce témoignage reçu par le Collectif Santé en danger pourrait
être transposé et écrit par n’importe quel soignant de notre pays
aujourd’hui.
Le système de santé s’effondre. Dix millions de nos
concitoyens peinent à trouver un médecin de famille. Les délais de
rendez-vous chez un médecin (généraliste ou spécialiste)
s'allongent partout en France. Des nourrissons sont transférés à
des centaines de kilomètres de leur famille. Régulièrement, des
molécules de base, telles que le Paracétamol sont introuvables en
officine. Des enfants nécessitant des soins sont hospitalisés et
isolés en service de psychiatrie adulte. Des personnes invalides ou
handicapées ne trouvent pas d’aides à domicile, afin de pouvoir
vivre correctement. Des malades meurent sur des brancards aux
Urgences et dans les services à cause de reports
successifs.
Les soignants de ce pays sont déçus et découragés de ne pas se
sentir entendus par leurs tutelles, souffrent de ne pouvoir offrir
les meilleurs soins aux patients et sont las de devoir se battre à
chaque niveau des prises en charge qui leur incombent. Les médecins
parlent de déplaquer ou de se déconventionner. Les internes sont en
grève et désespérés, les étudiants abandonnent en cours de
formation. Les paramédicaux fuient les établissements de santé, se
reconvertissent ou s’expatrient. La souffrance au travail, pour
ceux qui restent, est à son paroxysme. Trois professionnels de la
santé se suicident tous les deux jours. Les faits divers et de
violences se multiplient.
Le constat est connu. Les causes sont multiples et
identifiées.
Aujourd’hui, l’urgence est absolue. Nous sommes arrivés au point de
rupture. Ceux qui restent s’épuisent. Alors que devons-nous faire
?
Le chantier est immense…
Monsieur le ministre de la Santé et de la Prévention, nous
savons que vous connaissez la situation et qu’il est inutile de
vous convaincre mais le temps est venu d’agir, de renverser la
table et de tout remettre à plat. Nous sommes conscients que la
situation ne pourra pas se régler d’un claquement de doigt mais, ni
les mesures prises dans l’urgence, ni les annonces de milliards de
primes pour pallier les manques sans vision à long terme ne sont
rassurantes.
Par contre, soyez assuré que, si vous ouvrez réellement ce
grand chantier, si vous décidez de tout simplifier, si vous
apaisez… Les soignants vous suivront, et nous continuons à croire
que la population aussi. Quel bien est plus précieux que la Santé
?
L’attractivité passera sans conteste par une revalorisation de
toutes les professions du soin à hauteur de leurs compétences. Pour
garder et fidéliser ceux qui restent, faire revenir ceux qui sont
partis et trouver de nouveaux soignants.
Si vous souhaitez réellement améliorer la situation, si vous
voulez, comme nous, préserver l’accès aux soins de tous, si vous
souhaitez stopper l’hémorragie et rendre ses lettres de noblesse au
système de santé des Français, des mesures novatrices, fortes et
concrètes doivent être prises maintenant. En voici quelques-unes
applicables immédiatement.
Dans les établissements de santé
Supprimer les primes diverses et variées qui augmentent les
divisions et les intégrer dans le salaire de base. Faire établir
des grilles salariales claires, justes et équitables. L’État devra
permettre à toutes les structures de faire face à ces hausses
salariales. Récompenser l’ancienneté, l’expertise, l’investissement
dans le tutorat et la formation continue.
Repenser le management, et établir une gouvernance équilibrée.
Permettre et appliquer durablement une gouvernance administrative
conjointe avec les personnels de santé médicaux et
paramédicaux.
Supprimer les charges administratives, qui pèsent tant sur nos
soignants. Développer des outils numériques plus performants.
Mettre en place des nouveaux métiers : logisticiens,
méthodologistes et responsables santé environnementale.
Établir d’urgence des ratios raisonnables et obligatoires en
EHPAD, et à moyen terme dans tous les autres services. Réviser les
décrets de périnatalité, qui datent de 1998.
Faciliter la vie des soignants et axer la politique sur le
bien-être au travail. Il y a tant à faire : mise en place de
conciergeries, faciliter l’accès au logement et à la garde
d’enfant, développer les politiques de santé
environnementale.
Pour la médecine de ville
Revaloriser les consultations avec des tarifs adaptés à la
profession et au temps passé, et en rapport avec l’expertise de nos
professionnels sur la base minimale de la moyenne
européenne.
Inciter les ordres et les syndicats nationaux à revoir et à
simplifier drastiquement les nomenclatures. Payer réellement les
actes effectués et supprimer définitivement l’absurde “1er acte
payé à 100%, le 2e à 50% et le 3e gratuit”. Revaloriser tous les
actes paramédicaux. Revaloriser les aidants à domicile et leur
permettre de vivre dignement de leur métier.
Supprimer les inégalités en établissant un forfait unique de
remboursement de frais kilométriques, quelle que soit la profession
concernée. Le prix des carburants est le même pour
tous.
Dégager du temps médical, en supprimant les charges salariales
pour l’embauche d’assistants médicaux et secrétaires.
Mesures générales
Laisser nos jeunes faire les études qu’ils souhaitent et leur en
faciliter l’accès. Accepter de rectifier les imperfections
évidentes de la réforme PASS L.AS et Parcoursup et rétablir un
entretien individuel pour l’entrée en institut de formation en
soins infirmiers (IFSI) et institut de formation d’aides-soignants
(IFAS).
Investir dans la Prévention, l’Éducation à la Santé et la
protection de l’Enfance.
Reconnaître la pénibilité et intégrer la matinée du samedi dans la
permanence des soins pour tous les soignants et praticiens.
Valoriser à sa juste pénibilité et bonifier la permanence des soins
pour les retraites.
Renforcer le lien ville/hôpital/médico-social de manière concrète.
Partage d’un dossier médical patient avec des niveaux d’accès
multiples. Développer un outil simple de communication pour pouvoir
échanger de façon sécurisée entre professionnels sur un dossier,
une situation.
En finir avec la gabegie financière lorsqu’il existe une
compétition inutile entre établissements de santé proposant les
mêmes services, là où une coopération inter établissements
permettrait de redistribuer les effectifs humains plutôt que les
diviser.
Apaiser les situations conflictuelles. Permettre aux soignants
suspendus de se reconvertir dignement en négociant par exemple une
rupture conventionnelle de leur contrat de travail ou même si c’est
un peu tard, en leur permettant de céder leur
patientèle.
Et enfin, de manière globale, oublier les mesures de
coercition à l’égard des professionnels de santé et plutôt préférer
rencontrer tous les acteurs et cosignataires de cette lettre
ouverte, afin de travailler ensemble à des solutions émanant du
terrain.
Toute l’offre de soins est à transformer. Il faut aller plus
loin, plus vite et plus fort avec des mesures concrètes adaptées à
la gravité de la situation, qui prennent en compte notre système de
santé dans sa globalité. Nos destins de soignants sont tous liés
les uns aux autres et nous avons tous en commun cette exigence de
vouloir soigner correctement nos patients, exigence sur laquelle
nous ne transigerons jamais !
Redonnez nous confiance et envie de continuer à exercer notre
métier ! Restaurez un cercle sanitaire vertueux, qui permettrait à
tous les praticiens et personnels de santé de poursuivre leur
travail avec passion et conviction. Inventez une nouvelle économie
de santé dépositaire d’investissements en santé et en prévention,
tournée vers l’intérêt général, et de tous les Français. Le
chantier est immense et il faut repartir sur de nouvelles bases
solides, fondations d’un nouveau système de Santé pour nos
concitoyens sur l’ensemble du territoire mais également pour le
bien-être des soignants et des praticiens de ville, du
médico-social et de l’hôpital.
Nous comptons sur vous tous !
Monsieur le ministre de la Santé et de la Prévention, pour
simplifier, apaiser, redonner confiance aux soignants et refaire
briller leurs yeux et battre leur cœur.
Monsieur le président de la République et Madame la Première
ministre pour soutenir et encourager cette refonte du système de
santé nécessaire et urgente.
Dans ce cas, soyez assurés que nous sommes prêts à être à vos
côtés, tous unis pour la Santé.
Les signataires de cette lettre ouverte sont
:
BACLE Véronique, Secrétaire
générale adjointe, SNPST (Syndicat des professionnels de la Santé
au travail)
BOURABAA Hamama, Présidente, Association
Rendre le soin aux soignants BRONNY Florence, Présidente, SNUP (Syndicat national d'union
des Psychomotriciens) Dr CHICHE Arnaud, Président, Association C Santé en danger,
fondateur du Collectif Santé en danger Dr CIBIEN Jean-François, Président, APH (Action Praticien
Hôpital) COMBARNOUS Dominique, Présidente, ANCIM (Association
nationale des Cadres de santé) COURILLEAU Pierrick, Président, Association
Handicap DIGOY Rachid, Président et membre fondateur, CIB (Collectif
inter-bloc) DUMORTIER Camille, Présidente, ONSSF (Organisation nationale
syndicale des Sages-femmes ESCAMES Véronique, Co-secrétaire général, SNPPE (Syndicat
national des professionnel.le.s de la Petite enfance FAEDI MOHORIC Camille, Co-fondateur, Collectif
Manifestepsy Dr GEFFROY-WERNET, Administrateur, SNPHARE (Syndicat
national des Praticiens hospitaliers Anesthésistes-
réanimateur) GODFROY Cyrille, Co-secrétaire général, SNPPE (Syndicat
national des professionnel.le.s de la Petite enfance LAUSEIG Anne, Présidente, Collectif La force invisible des
Aides à domicile Dr LE BIHAN Éric, Président, SNPHARE (Syndicat national des
Praticiens hospitaliers Anesthésistes-réanimateur) Dr LOEB Emmanuel, Président, Jeunes Médecins Dr MARTY Jérôme, Président, UFML (Union française pour une
Médecine libre) Pr MÉGARBANE Bruno, Chef du service de Réanimation, Hôpital
Lariboisière, Paris Dr NOIZET Marc, Président, SudF (Association SAMU-Urgences
de France) RANDAZZO François, Président, Syndicat Alizé Kiné Dr RÉBUFAT, Administrateur, SNPHARE (Syndicat national des
Praticiens hospitaliers Anesthésistes-réanimateur) REYNOLDS Katia, Présidente, ANDPP, (Alliance nationale des
Pédicures-podologues) ROBERT Lucie, Co-secrétaire général, SNPPE (Syndicat
national des professionnel.le.s de la Petite enfance SABY Katia, Présidente, CJSIP (Collectif Je suis Infirmière
puéricultrice) Dr SOUVERT Pierre, Président (ASEF (Association Santé
Environnement France) STERDYNIAK Jean-Michel, Secrétaire général, SNPST (Syndicat
des professionnels de la Santé au travail) Pr TEBOUL Jean-Louis, Chef de service Médecine intensive et
Réanimation, Hôpital Bicêtre, Kremlin-Bicêtre TORDO Frédéric, Co-fondateur, Collectif Manifestepsy TRANCHIDA Antoinette, Présidente, ONSIL (Organisation
nationale des syndicats d’infirmiers libéraux) ZERBIT Jérémie, Président, Syndicat Avenir Jeunes
Pharmaciens hospitaliers
Collectif Santé en danger
Association du Collectif Santé en danger 33, rue Gallieni
59420 MOUVAUX
M le directeur, pour avoir pendant plus de 2 heures hier au soir essayé de joindre les urgences de HTP, sans que jamais personne ne décroche sauf au standard vers lequel j'étais renvoyé, pour avoir des nouvelles d'une patiente, je crie au scandale. Il aura donc fallu que je fasse prévenir de mon arrivée avec de fort mauvaises intentions à la fois la sécurité et le directeur de garde, qui a sûrement été ménagé, pour qu'une médecin débordée me donne des nouvelles. Honte à vous de laisser perdurer cela.
Pr André Muller, sans lequel votre CETD n'existerait pas
Nous comptons sur vous....?
Le 11 décembre 2022
Bonjour, Excellente supplique, et j'ai beaucoup aimé le : ... avant..., ...aujourd'hui... D'autant que je l'ai vu s'installer à partir du début des années 2000 : 20 ans déjà ! Cependant, n'auriez-vous pas compris le système dans lequel vous nagez ? Comment pouvez-vous terminer en écrivant « Nous comptons sur vous... » ? Alors qu'ils sont justement LE problème. Donc, stop au bla-bla... Fixez seulement une action et tenez bon jusqu'à sa réalisation. Puis passez à la suivante, une par une, c'est ainsi que l'on change le monde. Pas par des rapports aussitôt aussitôt mis au placard. Pour le reste, le désespoir n'est pas de mise car les Français ne sont pas un peuple de pleurnichards. Alors chantez dans les difficultés comme nos ancêtres l'ont toujours fait :
Ac-Cent-Tchu-Ate the Positive Paul McCartney https://www.youtube.com/watch?v=cwp-IvX8VM8 «Tu dois ac-cent-tchu-ate le positif E-lim-i-nate le négatif Et t'accrocher à l'Essentiel. T'perds pas avec Mr. Tiède.... »
Dr S Hubert
Très belle lettre, concise, tellement vraie !
Le 21 décembre 2022
Les solutions sont là, évidentes, logiques, limpides et si intelligentes. Comment penser que cette lettre ne touchera pas les membres du gouvernement, au plus haut niveau de l'Etat ? Elle est écrite avec le coeur, le désespoir sous-jacent aussi bien sûr. Et cet espoir que l'on va vous lire, vous entendre surtout et sortir de cet immobilisme qui dure depuis tant et tant d'années ! Depuis que l'Etat pense que la médecine doit être rentable ! Une chose est certaine : si on continue comme cela, il y aura beaucoup moins de personnes qui arriveront à la retraite et ça ce sera des économies pour l'Etat. Après ces années de NON ASSISTANCE à notre système de santé, l'un des meilleurs au niveau européen...AVANT !