Leucémie aiguë lymphoblastique, peut-on alléger le traitement ?

La survie des patients pédiatriques atteints de leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) s'est considérablement améliorée au fil du temps. Cette magnifique victoire s'obtient cependant au prix de traitements lourds et non dénués de toxicité, ce qui fait se poser la question de la nature impérative de ces traitements pour l'ensemble des patients. Les données de l'essai randomisé européen AIEOP-BM ALL 2000 présentées en session plénière par Martin Schrappe (Kiel, Allemagne) sont une tentative de réponse à cette question.

Il s'agit d'une étude internationale qui a concerné 1 164 sujets pédiatriques qui ont été randomisés vers un bras comportant un régime de chimiothérapie standard (voire prolongé) ou un bras dont le régime de chimiothérapie était allégé (réduction de la dose cumulée en conservant la même dose journalière mais dans le cadre d'une administration moins étendue dans le temps). L'objectif principal était de démontrer que le régime allégé ne serait pas inférieur au régime standard (étude de non-infériorité).

La présentation en session plénière concernait exclusivement les sujets supposés, a priori, pouvoir bénéficier sans dommage du traitement allégé dans la mesure où ils répondaient aux critères définissant un risque standard de maladie résiduelle (MRD), à savoir une MRD négative post-induction (J33) et post consolidation (J78).

Dans le cadre d'un suivi médian de 8,6 ans et en analyse "per protocole", les investigateurs n'ont pas documenté de différence de survie globale à 5 ans entre les deux bras. En revanche, ils ont rapporté un taux de survie sans récidive à 5 ans de 90,6 % dans le bras allégé versus 94,9 % dans le bras standard, une différence absolue de 3,5 % qui est significative (p = 0,041) et qui est associée à une plus forte incidence de récidives chez les patients du bras allégé, soit 7,5 % versus 4,1 % dans le bras standard. En matière de tolérance, le bras allégé n'a pas engendré moins de toxicité, il y avait même une tendance à une plus grande incidence de seconds cancers.

Cela veut-il donc dire qu'il faut traiter tous les patients de la même façon, sans céder à la tentation d'un allègement thérapeutique chez ceux qui sont considérés comme "à bon risque" ? Ce n'est probablement pas la bonne conclusion à tirer de ce travail. Commentant ces résultats Stephen Hunger, Philadelphie a ainsi déclaré « A mon sens l'idée de base est correcte. Il y a des patients qui peuvent être guéris avec un traitement allégé et peut-être même encore plus allégé que ce qui a été fait dans cette étude. Cependant il nous faut une stratégie d'identification différente de ces patients".

En clair l'absence de MRD telle que définie dans cet essai, n'est pas suffisamment discriminante, il faut vraisemblablement des mesures plus sensibles de la MRD et il faut aussi prendre en compte d'autres facteurs de risque tels que l'âge, le taux initial de globules blancs et les éventuelles altérations génétiques tumorales.

L'idée de départ était que l'on pouvait faire aussi bien, voire mieux, avec moins. A l'arrivée, et pour le moment, la conclusion est qu’avec moins, on obtient moins.

Dr Jean-Claude Lemaire

Référence
58th Annual meeting of the American Society of Heamatology (San Diego): 3-6 décembre 2016.

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