L’expérience de l’extrême

Paris, le samedi 24 janvier 2015 – L’art et la médecine tissent des fils communs lorsqu’ils s’approchent de l’extraordinaire, de l’extrême, voire de l’indicible. Ils sont des relais vers des instants, des phénomènes, des douleurs difficilement concevables dans les longs sillons des vies ordinaires et quotidiennes. Sans doute pace que l’art et la médecine savent faire l’expérience des plus grands dépassements. Il y a ces patients auxquels on ne peut « donner » plus de deux ans d’espérance de vie, frappés par les sceaux les plus douloureux du destin. Stephen Hawking était de ceux là. Le film « Une merveilleuse histoire du temps », adaptation de l’autobiographie de la première femme du scientifique par James March, raconte comment les médecins qui diagnostiquèrent la sclérose latérale amyotrophique (SLA) du jeune physicien estimaient qu’il ne pouvait guère espérer vivre au-delà de deux ans. Des décennies après, Stephen Hawking est toujours vivant et sera sans doute un des premiers spectateurs de ce beau film à la facture classique, ce qui impressionne le très talentueux Eddie Redmayne (auquel beaucoup promettent un Oscar) qui s’est beaucoup intéressé au chercheur et aux patients atteints de la maladie de Charcot pour affiner son interprétation. Le film qui évoque beaucoup la pathologie et la bataille menée par Stephen Hawking et son épouse retrace également son épopée scientifique et a surtout pour fil rouge l’histoire d’amour entre Stephen Hawking et Jane.

Revenu d’entre les morts

Avant que ne tombe le couperet de la maladie, les deux amoureux souriaient : sans doute leur mariage scellait-t-il l’union parfaite jugeaient-ils entre l’art, incarné par Jane et les sciences portées superbement par Stephen. L’art et les sciences, voire la médecine, deux chemins singuliers et parallèles pour tenter d’appréhender la situation extrême par excellence : le passage vers la mort. C’est ce que tente de dessiner Matthieu Blanchin dans « Quand vous pensiez que j’étais mort, mon quotidien dans le coma ». Il évoque en effet dans cet ouvrage intimiste (qui a été remarqué par les spécialistes de bande dessinée) la dizaine de jours où il fut plongé dans le coma alors que venait de lui être diagnostiqué une tumeur au cerveau. Il évoque cette histoire parallèle, ce sommeil sans nuit et surtout la lente guérison, les rechutes, les douleurs, les espoirs, offrant un témoignage rare sur une expérience si difficile à traduire en bulles et en dessins.

Revenu d’entre les morts

Il y a en suspens aussi, au-dessus de l’art, au-dessus de la médecine, les réduisant au silence, l’expérience de l’horreur la plus extrême. Michel Cymes sortant de l’esprit carabin et trublion où on l’attend habituellement tente de nous l’évoquer dans un livre singulier : « Hippocrate aux enfers ». Il s’agit de raconter les expériences auxquelles se livrèrent les médecins des camps nazis. Pour le médecin cathodique, la nécessité d’enquêter et de décrire l’indescriptible s’est imposé après une visite à Auschwitz où sont morts ses deux grands pères. « Face aux blocs où étaient menées les expériences, je me suis demandé comment c’était possible » a-t-il raconté aux journalistes du Figaro.

Revenu d’entre les morts

L’impossible auquel se heurtent l’art et la médecine n’est heureusement pas toujours celui des spectres, de la barbarie, de l’indignité humaine. Il est aussi celui du surnaturel. Ainsi, « La Nostalgie de Dieu », pièce de Marc Dubuisson jouée jusqu’au 25 février au Funambule de Montmartre, propose une consultation tout aussi extrême, qu’impossible : la psychanalyse de Dieu. Barbu et négligé, Dieu s’allonge sur le divan d’un psychiatre où à travers des dialogues savoureux se révèle toute son indolence, son impuissance et son incapacité à agir sur le monde pour le protéger. Extrêmement piquant.

 

Cinéma : « Une merveilleuse histoire du temps », de James March, sortie le 21 janvier, (2h03)

Bande dessinée : « Quand vous pensiez que j’étais mort, mon quotidien dans le coma », de Matthieu Blanchin, éditions Futuropolis, 24 euros, 176 pages

Livre : « Hippocrate aux enfers » de Michel Cymes, éditions Stock, 18,50 euros, 211 pages

Théâtre : « La Nostalgie de Dieu », de Marc Dubuisson, le Funambule de Montmartre, du 6 janvier au 25 février, 53, rue des Saules, 75018 Paris

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (1)

  • Une merveilleuse histoire du temps

    Le 24 janvier 2015

    Merveilleux film qui donne à réfléchir sur la force de vie et qui relègue bien loin tous les discours sur l'euthanasie qui en fait concerne plus la famille et la société que le patient.
    PH

Réagir à cet article

Les réactions sont réservées aux professionnels de santé inscrits et identifiés sur le site.
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.


Lorsque cela est nécessaire et possible, les réactions doivent être référencées (notamment si les données ou les affirmations présentées ne proviennent pas de l’expérience de l’auteur).

JIM se réserve le droit de ne pas mettre en ligne une réaction, en particulier si il juge qu’elle présente un caractère injurieux, diffamatoire ou discriminatoire ou qu’elle peut porter atteinte à l’image du site.