En pratique clinique courante, les psychiatres n’ont recours pour leur diagnostic à aucun examen complémentaire, si ce n’est pour « éliminer » les diagnostics différentiels. L’utilisation de l’imagerie cérébrale répond au besoin de la psychiatrie d’avoir accès, comme dans la plupart des autres disciplines, à des données « objectives ». Les avancées récentes de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permettent préciser la fonction de chaque région cérébrale. Le cortex parahippocampique est par exemple lié à l’appréciation des stimuli émotionnels, le cortex préfrontal latéro-ventral est associé à la compréhension du contexte et la régulation des émotions.
Ainsi, l’imagerie cérébrale pourra par exemple identifier les patients à haut risque de développer une psychose et de mieux comprendre la phase prodromique de la schizophrénie. Les patients présentant une diminution du volume du cortex parahippocampique gauche ont un plus grand risque de transition psychotique (1). L’imagerie se présenterait donc comme le moyen de mettre en lumière l’étape clé faisant le lien entre le génotype et le phénotype, appelé l’endophénotype (qui correspond à des anomalies infracliniques).
Dans le cadre du trouble bipolaire, la majorité des patients souffrent d’un retard diagnostic, pouvant aller jusqu’à 10 ans. L’équipe de S. Frangou (Institute of Psychiatry, Kings College London) présente une étude dans laquelle les patients atteints de troubles bipolaires et les contrôles sains sont classés selon une courbe de gausse en utilisant des techniques de reconnaissance de formes sur des IRM structurels.
Ces données utilisées pour classer les malades et les sujets sains permettaient d’obtenir une sensibilité allant de 64 à 71 % et une spécificité de 69 à 99 % selon les 2 cohortes utilisées et si on se référait à la substance grise ou blanche. L’utilisation de l’IRM pourrait permettre entre autre de prédire quels patients sont à risque de développer un trouble bipolaire devant une dépression.
Autre enjeu clinique en psychiatrie : différencier les patients présentant une schizophrénie ou un trouble bipolaire. L’IRM permet de mettre en évidence des différences fonctionnelles parmi ces deux groupes de patients, qui permettent de les classer efficacement dans 75 % des cas dans chacune des deux catégories.
L’imagerie a également l’intérêt d’affiner la compréhension des pathologies mentales. Les patients dépendants à l’alcool présentent des anomalies de la neurotransmission de la dopamine dans le striatum ventral. Or, les patients schizophrènes non traités présentent une augmentation de la synthèse de la dopamine dans le striatum ventral, suggérant une anomalie du système de récompense inhérente à la schizophrénie. Identifier une anomalie fonctionnelle du système de récompense à l’IRM pourrait permettre de diagnostiquer les psychoses et les troubles de l’humeur.
Dr Alexandre Haroche