L’IRM en psychiatrie : une imagerie d’avenir !

S’il est une spécialité médicale où les besoins en imagerie sont énormes, c’est la psychiatrie. De fait, les troubles psychiatriques représentent un enjeu majeur en santé publique. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’à l’échelon planétaire, plus d’un individu sur huit connaîtra un trouble psychiatrique au cours de sa vie.

Le diagnostic repose sur des critères cliniques, fonctionnels et temporels par essence subjectifs. Les critères diagnostiques sont résumés dans la cinquième et dernière édition du DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) de l’APA (American Psychiatric Association) datant de 2015. Le diagnostic des maladies psychiatriques est parfois délicat, dans la mesure où il repose sur l’anamnèse, l’interrogatoire et l’examen clinique, aucun test biologique et aucune imagerie ne venant confirmer ou infirmer les hypothèses qui en découlent.

Diagnostic différentiel : l’IRM de routine


De nombreuses pathologies neurologiques organiques notamment tumorales, auto-immunes, vasculaires, métaboliques, infectieuse, dégénératives etc.  peuvent se révéler par des manifestations psychiatriques diverses, de sorte qu’il convient de les éliminer en s’aidant des techniques d’imagerie cérébrale non invasives. A l’heure actuelle, l’IRM (imagerie par résonance magnétique) est la technique privilégiée dans l’exploration des troubles psychiatriques.

Elle permet le diagnostic différentiel dans la majorité des cas et fournit une image de référence qui sera bien utile dans le suivi d’une maladie organique le cas échéant. Sa précision anatomique remarquable permet une étude fine des structures cérébrales et ses performances diagnostiques la rendent incontournable dans le bilan initial et le suivi de la plupart des maladies neuropsychiatriques. C’est d’ores et déjà un apport considérable qui permet de s’orienter vers une affection psychiatrique « pure » sans subtratum organique à l’aune des critères diagnostiques actuels.

Imagerie avancée


Par ailleurs, si cette imagerie est d’une précision anatomique remarquable, elle est également capable d’offrir une vision fonctionnelle du cerveau : à ce titre, elle a donné une impulsion majeure dans la recherche en santé mentale. L’IRM dite fonctionnelle (IRMf) ouvre des perspectives nouvelles dans la compréhension des troubles mentaux, tout en facilitant les innovations thérapeutiques au travers des thérapies guidées par l’image.

Elle est ainsi appelée à dépasser son rôle actuel d’outil diagnostique de routine pour s’intégrer progressivement dans une prise en charge personnalisée des patients à tous les stades de l’affection psychiatrique. Il est par ailleurs de plus en plus clair qu’il existe des altérations structurelles et fonctionnelles cérébrales dans les pathologies psychiatriques.

C’est le domaine de l’imagerie dite avancée qui n’est pas encore en application en pratique médicale quotidienne. L’analyse tridimensionnelle du volume cortical sur des séquences pondérées en T1 a révélé, par exemple, une diminution du volume de la substance grise du système limbique dans certaines maladies psychiatriques.

Les analyses volumétriques qui s’appuient de plus en plus sur des reconstructions automatiques basées sur des algorithmes d’intelligence artificielle devraient permettre de gagner en précision dans les années à venir, car les possibilités sont immenses. La connectivité structurelle peut par ailleurs être évaluée par la tractographie grâce à l'imagerie du tenseur de diffusion. A titre d’exemple, l’étude du tractus du faisceau unciné, reliant l'amygdale aux cortex frontal médial et orbito-frontal, a révélé une diminution de la fraction d’anisotropie chez les patients schizophrènes.

La piste de la connectivité fonctionnelle


L’IRMf permet d’analyser les modifications de la connectivité fonctionnelle cérébrale. Cette technique, introduite en 1990, repose sur l’analyse des variations temporelles du signal BOLD (Blood Oxygen Level Dependent) au sein de différentes régions cérébrales, qui sont tributaires des concentrations locales de désoxyhémoglobine qui fluctuent au gré de l’activation de la région cérébrale étudiée.

La technique recueille des séries temporelles de ce signal en différents points du cerveau et il est ensuite possible de les corréler entre différentes régions d’intérêt, afin d’évaluer leur degré de connectivité. Plusieurs études utilisant l’IRMf ont permis d’objectiver des anomalies de connectivité fonctionnelle spécifiques à certaines maladies psychiatriques et c’est là un champ de recherche à la fois vaste et hautement évolutif.

Enfin, l’avènement de l’IRM à ultra-haut champ magnétique (IRM à 7 Tesla) devrait contribuer à une approche encore plus fine des mécanismes physiopathologiques des maladies psychiatriques. L’imagerie avancée est appelée à jouer un rôle croissant dans l’univers des troubles psychiatriques et ses applications changeront probablement leur prise en charge dans un avenir qui n’est pas si lointain.


Dr Philippe Tellier

Référence
D’après la communication de Mateos M et coll. L’IRM en psychiatrie : une imagerie d’avenir ! Journées francophones de Radiologie (JFR). Paris (Palais des Congrès) : 7-10 octobre 2022.

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