ABL a besoin d’être régulé et peut être en conformation active ou inactive selon la position de sa boucle d’activation. Seule la conformation active permet le bon positionnement de l’ATP, des acides aminés catalytiques et du substrat. Cette régulation met en jeu des interactions intramoléculaires impliquant la région N-terminale de ABL, les régions SH2, SH3 et le domaine kinase avec les lobes C et N. Elle s’effectue par auto-inhibition et par phosphorylation.
Inhiber la tyrosine kinase, mais pas uniquement
L’imatinib a été le premier inhibiteur de ABL. Pour qu’il soit efficace, ABL doit être en conformation inactive, ce qui est le cas également pour le nilotinib et le pomatinib, tandis que le dasatinib et le bosutinib demandent qu’elle soit en conformation active. Ces inhibiteurs de l’ATP ne sont cependant pas les seuls moyens d’inhiber ABL. Une autre possibilité d’autorégulation d’Abelson et donc potentiellement d’action thérapeutique pour l’inhiber, passe par les possibilités de myristoylation d’ABL, une transformation qui se produit de manière covalente par une N-myristoyl-transférase avec un acide gras saturé en N-terminal. Ce groupement myristoyl se fixe dans une poche hydrophobe (puisqu’il s’agit d’un acide gras), qui est situé dans le lobe C du domaine kinase, provoquant l’auto-inhibition d’ABL en conformation inactive qui ne peut plus dès lors être phosphorylée sur les résidus tyrosine.« C’est dans ce cadre que les modulateurs allostériques, et plus particulièrement ses inhibiteurs, ont été étudiés », signale le Pr Delphine Rea (Hôp. Saint-Louis, Paris). Ils peuvent agir en se fixant sur un site distant du site de récepteur de l’ATP et modifier la conformation de la protéine kinase bloquant la fixation de l’ATP, ou en se fixant sur un site distant qui modifie le site de fixation, ou encore en prévenant la dimérisation nécessaire à la création d’un site actif.
Ces inhibiteurs existent depuis longtemps. Parmi eux, un composant nommé ABL-001 (asciminib). Inhibiteur très puissant de BCR-Abelson (autant que la ponatinib à faible concentration) et très compétitif (il n’a aucune action sur les kinases Src par exemple), il a une activité sur des lignées mutantes situées en dehors de la zone myristoyle. D’autres résistances portant sur ABCB1 et ABCG2 qui sont des protéines transporteuses de l’asciminib ont également été décrites.
Plusieurs études de phase 3 en cours
L’intérêt de cette molécule pourrait se situer, du moins sur modèle murin, dans sa combinaison avec les inhibiteurs de tyrosine kinase afin d’éviter l’émergence de résistances. Une étude de phase 1 a confirmé chez l’homme son activité en monothérapie en montrant des réponses moléculaires profondes. Plusieurs études de phase 3 en monothérapie ou de phase 2 en combinaison en cas de résistances (T315I entre autres) sont en cours.D’autres pistes sont en cours d’investigation, notamment celles qui s’intéressent au rôle régulateur du domaine SH2. Ce domaine se lie aux résidus tyrosine phosphorylée de manière ‘séquence spécifique’ et stabilise les formes inactives des kinases Src et Abelson puis active le domaine kinase adjacent de Src et Abelson en établissant des interactions avec le lobe N de la kinase.
Dr Dominique-Jean Bouilliez