Paris, le samedi 13 juin 2015 – Enfin, on parle de l’observance. Le sujet jusqu’alors ne semblait abordé qu’en marge, ou réservé aux statisticiens. Les enjeux médicaux et économiques liés à cette question cruciale paraissaient échapper à beaucoup, ou tout au moins refusait-on de s’y attarder. Résultat : l’ampleur et les conséquences de la non observance demeuraient méconnues, objets d’estimation sans fondement précis.
Depuis quelques mois, une nouvelle tendance semble se faire jour. Plusieurs enquêtes ont enfin commencé à analyser le phénomène et notamment l’étude IMS Health-CRIP. Les associations de patients se sont également emparées du sujet avec la tenue en avril dernier d’un colloque sur les « concepts d’accompagnement à l’observance ». Si ces différents échanges ont pu donner lieu à quelques opinions polémiques (invitant par exemple à conditionner remboursement et suivi du traitement), des positions communes ont été évoquées par les acteurs les plus engagés. Parmi elles, figure l’importance d’une véritable implication des professionnels de santé, comme le rappelle pour nous le directeur de la stratégie d’IMS Health France, Stéphane Sclison. Plus largement, il revient sur les enjeux fondamentaux de la question de l’observance et sur les travaux qui restent à mener sur ce sujet.
Par Stéphane Sclison, directeur de la Stratégie IMS Health France
Fin 2014, l’étude IMS Health -CRIP a proposé un chiffrage des coûts de la non-observance médicamenteuse. Elle a montré en effet, pour 6 grandes pathologies, que moins de la moitié des patients pouvaient être considérés comme observants avec des surcoûts engendrés de près de 9 milliards d’euros par an, pour la plupart évitables.
Cette contribution inédite a connu un très fort écho médiatique, lié à l’ampleur du phénomène mais également au fait que l’observance est un thème majeur de santé publique, qui intéresse l’ensemble des acteurs du système de soins. En proposant des solutions soumises au débat public, l’étude IMS Health/CRIP a également eu le mérite de relancer la mobilisation. C’est ainsi que l’IGAS et l’Académie nationale de pharmacie ont été mandatées par la ministre de la santé pour compléter l’analyse des causes de la non-observance et étudier de nouvelles pistes d’action.
Pas question de montrer du doigt les patients
Au moment où débutent ces travaux, il est temps, pour les auteurs de l’étude, d’apporter quelques précisions. D’abord, contrairement à ce qui a pu être dit, il n’a jamais été question de stigmatiser les patients, de les accuser de négligence ou de légèreté dans la prise de leurs traitements. Les causes de la non-observance sont multiples, complexes, elles ont à voir avec les représentations de la maladie, variables d’un groupe social à un autre. Elles sont également dépendantes du niveau de compréhension de la maladie, souvent insuffisant pour bien appréhender l’importance des thérapeutiques. La mauvaise observance se nourrit également d’un entourage désemparé, isolé, qui a des difficultés à soutenir le patient dans sa démarche de soins. Par ailleurs, il faut rappeler que les professionnels de santé, toutes professions confondues, s’impliquent peu dans le suivi, tout simplement parce qu’ils n’y ont pas été formés et que rien n’est fait pour les y inciter.
Refonder l’éducation thérapeutique
Deuxième observation : l’éducation thérapeutique est à juste titre présentée comme un outil-clé pour s’attaquer à la principale cause de la non-observance : le défaut d’adhésion au traitement. Cette adhésion est pourtant l’indispensable pré-requis au développement d’un comportement d’observance. Mais, force est de constater que si de nombreux programmes de ce type existent, ils sont souvent mal ciblés, insuffisamment intégrés dans des programmes plus larges d’accompagnement et très rarement mesurés dans leurs résultats.
L’implication nécessaire de tous les acteurs
Troisième précision, la documentation sur la non-observance doit être complétée. Elle passe par le développement d’outils de mesure industriels comme celui mis en œuvre pour l’étude IMS /CRIP, pathologie par pathologie, avec la création d’indicateurs permettant de mesurer ce qui marche et ce qui ne marche pas. Là encore, il faut un débat autour de ces indicateurs, afin que tous les acteurs du système de soins puissent s’entendre sur des solutions partagées et une évaluation consensuelle des programmes d’accompagnement en matière d’observance.
Selon nous, ces programmes doivent impérativement mobiliser
:
- Les professionnels de santé impliqués. Parmi eux, le
pharmacien a bien une place privilégiée, en raison de sa proximité
avec le patient et du dialogue régulier qu’il peut entretenir avec
lui sur cette question de l’observance.
- Les autorités de Santé. Elles doivent réfléchir aux
moyens de promouvoir cette cause par le biais de dispositifs
incitatifs auprès des professionnels de santé et par le pilotage de
programmes ambitieux.
- Les associations de patients. Leur contribution est
majeure dans la conception de ces programmes mais également dans
leur promotion auprès des patients.
- Les industriels de la santé et du numérique. Ce sont
eux qui, aujourd’hui et demain, conçoivent de nouveaux
services de santé en s’appuyant sur le progrès médical (galénique)
et les technologies numériques. Ils sont à même de diffuser les
bons messages, aux bons patients et au bon moment et de développer
des outils de suivi et d’information partagée pour maintenir une
stimulation de l’adhésion aux traitements.
Ce que nous esquissons là, c’est la feuille de route d’une vraie Grande Cause Nationale. Un statut qui aiderait à déclencher une dynamique nouvelle, dont les bénéfices seraient également distribués entre le patient mieux traité, le professionnel de santé plus efficace et le système de santé plus efficient.