L’ostéo-immunologie à l’honneur

L’incontournable conférence « Quoi de neuf en rhumatologie » présidé cette année par RM. Flipo (Lille) et P. Goupille (Tours) a permis un tour d’horizon sur les avancées les plus marquantes dans l’ostéoporose et la pathologie osseuse en particulier. Riche actualité dans ce domaine : l’évaluation des risques de fracture (Les fractures en ligne de mire ) et l’ostéo-immunologie étaient à l’honneur. L’ostéoimmunologie offre en effet de nouvelles pistes thérapeutiques pour le traitement des maladies osseuses, et en particulier de l’ostéoporose, comme l’attestent plusieurs publications récentes.

La cathepsine K : une cible potentielle ?

La cathepsine K est une protéine lysosomale de l’ostéoclaste, cible potentielle des traitements anti-résorptifs. Or, une étude suggère que cette protéine pourrait aussi être impliquée dans des phénomènes d’inflammation auto-immune (Asagini et coll.). Les auteurs de ce travail expérimental sur un modèle d’arthrite auto-immune ont en effet constaté que l’inhibition de la cathepsine K diminuait significativement l’inflammation et les érosions osseuses. Cependant, une autre publication tempère quelque peu ces résultats (Shurigt et coll.). Dans ce modèle d’arthrite expérimentale par surexpression du gène TNF-alpha chez des souris dont le gène de la cathepsine étaient par ailleurs invalidés ou non (CK+/+, CK-/-, CK+/-), les auteurs ont observé, certes, une réduction des érosions osseuses et une diminution de l’ostéoclastogenèse chez les souris CK-/-, mais la protection contre les destructions osseuses n’est toutefois pas complète. In vitro, les ostéoclastes continuent d’exprimer des métalloprotéases (MMP) et des cathepsines, qui sont également présentes in vivo dans les lésions inflammatoires destructrices.

De l’inhibition de RANKL au CTLA-4

Une autre application de cette interaction entre les cellules osseuses et les cellules immunologiques est fournie par une étude qui a évalué les effets du denosumab (anticorps anti-RANKL) dans les érosions de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Ce travail de phase 2, multicentrique, randomisé, contrôlé versus placebo a été conduit chez 218 patients atteints de PR active sous dose stable de méthotrexate. Le traitement a consisté en des injections sous-cutanées semestrielles de placebo ou de denosumab (60 ou 180 mg). Le critère principal d’évaluation était la modification d’un score IRM d’érosions à 6 mois. Les auteurs ont constaté dans le groupe traitement actif une diminution du score IRM de progression à 6 et 12 mois et du score radiologique d’érosions à 12 mois, sans modification des pincements et de l’activité inflammatoire de la PR. P. Orcel suggère ainsi que « le denosumab pourrait éventuellement être utile en complément des traitements de fond à visée anti-inflammatoire de la PR pour améliorer encore l’efficacité sur la protection des lésions osseuses ». P. Orcel a également souligné le fait que le denosumab est un traitement potentiel de l’ostéoporose qui a montré une efficacité anti-fracturaire dans une étude présentée au dernier congrès de l’ASBMR en attente de publication.

Dans ce cadre, P. Orcel s’est également penché sur les effets du CTLA-4 (Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4) sur la résorption osseuse. Le CTLA-4 est un régulateur de la co-stimulation, un inhibiteur du lymphocyte T, exprimé par les cellules dendritiques et les monocytes. Son action sur la résorption ostéoclastique a été observée in vitro et in vivo. Les auteurs ont constaté une inhibition dose-dépendante de l’ostéoclastogenèse induite par le RANK ligand ou le TNF-alpha in vitro, une inhibition du développement d’ostéoclastes in vivo dans un modèle d’arthrite dépendant du TNF, mais indépendant des cellules T et une inhibition du développement d’érosions osseuses in vivo (Axmann et coll.).

Notch, nouveau venu dans la régulation des cellules osseuses

Notch est une protéine très conservée au cours de l’évolution impliquée dans l’embryogenèse et dans la régulation des fonctions cellulaires de base, qui fait beaucoup parler d’elle actuellement. Une publication récente dans Nature (Engin et coll.) a montré qu’un gain de fonction Notch dans les ostéoblastes était associé à une ostéosclérose marquée, et qu’inversement, une perte de fonction était associée à une ostéoporose tardive. Ainsi, des effets dimorphiques (dans un sens ou dans un autre) de Notch dans le fonctionnement du remodelage osseux pourraient ouvrir d’éventuelles perspectives thérapeutiques. Dans une seconde publication (Hilton et coll.), l’ablation de la signalisation Notch durant le développement squelettique de la souris a conduit à une augmentation considérable de la masse trabéculaire chez les jeunes animaux, mais aussi à une diminution très importante des précurseurs mésenchymateux. Ces souris ont ensuite un vieillissement osseux accéléré avec une perte osseuse importante. La signalisation de Notch est associée à une diminution de la différenciation ostéoblastique permettant de maintenir un pool de précurseurs ostéoblastiques. Notch semble ainsi avoir un rôle crucial dans le maintien d’un équilibre entre prolifération et différenciation des ostéoblastes.

Attention aux « bonnes » intentions des apprentis sorciers !

Mais comme l’a souligné P. Orcel, les manipulations des voies de signalisation des cellules osseuses ne sont pas sans risque. L’article de Hsiao et coll. en est une bonne illustration. Les récepteurs couplés aux protéines G ont un rôle important dans la signalisation de l’ostéoblaste (tel le récepteur de la parathormone) et un potentiel anabolique lié à la prolifération des ostéoblastes. Cette équipe a cherché à exprimer un de ces récepteurs chez des souris et ont obtenu une réponse anabolique « dramatique » avec une augmentation de la taille et du volume des os, de la cellularité ostéoblastique, de la densité osseuse et des marqueurs biochimiques de remodelage. L’aspect morphologique de cette ostéoformation était … monstrueux. Inutile de préciser qu’un certain nombre de précautions restent donc de mise…

Dr Lucienne Didier

Référence
Orcel P : Quoi de neuf dans l’ostéoporose et la pathologie osseuse ? 21e Congrès Français de Rhumatologie (Paris) : 14-17 décembre 2008.

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