Les atteintes pleuro-pulmonaires sont fréquentes au cours du lupus (40 à 70 %). Cinq principaux types peuvent être distingués. Trois sont bien connus : les pleurésies, les pneumopathies interstitielles et les pneumonies lupiques ; mais deux sont de description plus récente : l'hémorragie pulmonaire diffuse et l'hypertension artérielle pulmonaire. Dans tous les cas, avant d'incriminer une atteinte spécifique du lupus, il faut prendre soin d'éliminer une pathologie pulmonaire infectieuse sous-jacente, fréquente sur ces terrains immunodéprimés.
Atteinte pleurale
L'atteinte pleurale est extrêmement fréquente dans le lupus (30 à 60 %). Elle constitue l'un des 11 critères de l'ARA. Elle est révélatrice dans 2,5 à 5 % des cas. L'épanchement est de type exsudatif, constitué de quelques milliers de cellules mononucléées par mm3. Des cellules pleurocytoïdes atypiques ont été décrites. La concentration de glucose est le plus souvent normale. Classiquement, un taux de complément abaissé dans le liquide pleural était un marqueur de lupus ; en fait si l'on rapporte le complément pleural au complément sérique et à la protéinémie, on trouve des taux normaux. En revanche, un rapport des titres d'anticorps antinucléaires dans le liquide pleural et le sérum supérieur ou égal à 1 serait un marqueur diagnostique de lupus.
L'étude histologique montre des foyers inflammatoires pleuraux, sans disposition spécifique, constitués de lymphocytes et de macrophages.
Le traitement de la pleurésie du lupus est d'abord symptomatique (antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens).
Les corticoïdes généraux à faible dose sont réservés aux échecs de ce traitement ou aux patients présentant une dyspnée importante ou une hypoxémie.
De l'infiltrat interstitiel...
La fréquence des pneumonies interstitielles du lupus est estimée entre 4,2 et 9,3 %. Toutefois, certaines séries autopsiques font état de chiffres beaucoup plus élevés : 53,6 à 98 % !
La clinique n'est pas spécifique (dyspnée, douleur pleurale). Radiologiquement, il existe un infiltrat interstitiel des bases. Les EFR sont anormales dans 90 % des cas avec diminution des volumes pulmonaires et surtout de la capacité de diffusion du CO.
Le lavage broncho-alvéolaire (LBA), particulièrement utile, permet de mettre en évidence une alvéolite luminale avec hyperlymphocytose broncho-alvéolaire, une alvéolite macrophagique ou une alvéolite lymphocytaire.
Le traitement de ces pneumonies interstitielles lupiques est encore controversé, une intervention thérapeutique précoce permettant sans doute d'éviter l'évolution vers la fibrose. Les alvéolites lymphocytaires seraient de meilleur pronostic, répondant mieux au traitement alors que les alvéolites à polynucléaires sont résistantes à toute thérapeutique. En cas de dyspnée, d'hypoxémie et d'alvéolite lymphocytaire, on proposera donc une corticothérapie à la dose de 0,8 mg/kg/j. En cas d'échec, on pourra recourir à des bolus de méthylprednisolone ou des immunosuppresseurs.
...à la pneumonie
La pneumonie lupique a une fréquence de 12 %. Les séries autopsiques montrent comme toujours une fréquence nettement supérieure de 45 à 75 %. Cliniquement, il s'agit d'une affection aiguë fulminante : dyspnée, douleur pleurale, asthénie, fièvre, polypnée, cyanose, râles localisés des bases. Radiologiquement, il existe un syndrome alvéolaire interstitiel des bases. Les données du LBA et de l'histologie pulmonaire sont variables mais n'ont d'autre intérêt que d'éliminer une étiologie infectieuse. Le traitement repose sur la corticothérapie à forte dose.
L'hémorragie pulmonaire, la plus grave des atteintes pulmonaires du lupus
L'hémorragie pulmonaire diffuse est une manifestation extrêmement grave du lupus dont seules 25 observations ont été rapportées à ce jour. Elle se traduit cliniquement par une hémoptysie massive, par une fièvre, une toux, une dyspnée, une tachycardie, des râles et une hypoxémie sévère. Radiologiquement, il existe des infiltrats alvéolaires diffus, bilatéraux.
Il faut éliminer impérativement les autres causes d'hémorragie pulmonaire diffuse : hémosidérose pulmonaire idiopathique, hémopathie, coagulopathie, vascularite pulmonaire, infection.
Le diagnostic repose sur le lavage broncho-alvéolaire mettant en évidence des hémorragies microscopiques ou des macrophages chargés d'hémosidérine.
Le pronostic est très mauvais avec décès du patient par insuffisance respiratoire et hémoptysie massive malgré de fortes doses de corticoïdes. La mortalité est de 80 %.
Malgré tout, les auteurs proposent devant un tel tableau une thérapeutique intensive par corticoïdes à dose élevée avec éventuellement des immunosuppresseurs et une couverture antibiotique à large spectre.
HTAP moins fréquente que dans les autres connectivites
L'hypertension artérielle pulmonaire est constatée au cours de nombreuses connectivites. Dans le lupus, l'HTAP est en revanche beaucoup plus rare puisque de fréquence inférieure à 1 %.
Il existe un syndrome de Raynaud associé dans 60 % des cas alors que cette complication est présente, en général, chez 15 à 20 % des lupiques.
Le diagnostic repose sur le cathétérisme droit montrant une HTAP de type capillaire.
Plusieurs mécanismes ont été incriminés : vasoconstriction hypoxique de fibrose pulmonaire, maladie thrombo-embolique, équivalent vaso-spastique d'un phénomène de Raynaud, artériopathie inflammatoire par dépôt de complexes immuns, cardiopathie hypertensive ou myocardite. Le pronostic est médiocre avec une survie de 52 % sur 2 ans.
Les traitements par corticoïdes, immunosuppresseurs et vasodilatateurs n'entraînent qu'une amélioration clinique et biologique mais n'ont pas d'efficacité hémodynamique. L'administration d'anticoagulants doit être systématique.
De très nombreuses autres atteintes pulmonaires ont été décrites au cours du lupus : dysfonctionnement diaphragmatique isolé, atélectasie, bronchiolite oblitérante, pneumothorax, pneumonie excavée, adénopathie médiastinale, anomalie thymique, thrombose artérielle pulmonaire in situ, embolie pulmonaire.
Au total, les atteintes pulmonaires du lupus sont extrêmement fréquentes, mais avant d'incriminer un processus lupique spécifique il faut éliminer une étiologie infectieuse par un lavage broncho-alvéolaire et au besoin une biopsie pulmonaire avec immunofluorescence et microscope électronique.
Olivier Bayrou
Cherin P. et coll. : "Les manifestations pleuropulmonaires du lupus érythémateux systémique". Rev. Med. Int., 1991 ; 12 : 355-362.
BAYROU OLIVIER