En cas de résection iléocolique pour maladie de Crohn, le risque de récidive endoscopique dans l’année est très élevé, voisin de 80 %. Par ailleurs, la sévérité de cette atteinte endoscopique postopératoire, évaluée par le score de Rutgeerts, est prédictive du risque de récidive clinique de la maladie. Cependant, la stratégie classiquement recommandée (iléocoloscopie dans les 12 mois suivant la chirurgie et adaptation du traitement préventif aux résultats endoscopiques) n’a pas été évaluée en termes de faisabilité et d’efficacité. Dans cette étude rétrospective de l’équipe de l’hôpital Saint-Louis (Paris), 150 patients ayant eu une résection intestinale pour maladie de Crohn avec une anastomose accessible par coloscopie (résection iléale n = 3, résection iléocolique droite n = 133 ou colectomie subtotale n = 14) ont été inclus. Une iléocoloscopie a été proposée dans l’année suivant la chirurgie et un traitement immunosuppresseur a été introduit chez les patients ayant des lésions sévères (score de Rutgeerts i3 ou i4). L’impact de cette stratégie a été évalué par le taux de récidives cliniques, définie par un score de Harvey-Bradshaw > 3 et la nécessité d’introduire un traitement par corticostéroïdes ou anticorps anti-TNF.
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Figure 1. Bénéfice de la coloscopie de surveillance dans l’année suivant une résection intestinale pour maladie de Crohn. |
La durée médiane de suivi était de 51 mois (10 - 142). Dix-huit patients (12 %) ont eu une récidive clinique dans l’année suivant la chirurgie avant qu’une coloscopie de surveillance ait pu être réalisée ; 90 autres (groupe C) ont eu une iléocoloscopie systématique (médiane 7 mois, 2 - 13) ; 42 malades (groupe NC) n’ont pas eu d’endoscopie (8 d’entre eux ont refusé et l’examen n’a pas été réalisé dans les délais pour 34 patients). Les probabilités de récidive clinique étaient de 31 % et 52 % à 3 et 5 ans dans le groupe NC, et de 21 % et 26 % dans le groupe C (p = 0,01 ; test du log rank) (figure 1). En analyse multivariée, les facteurs de risque de récidive clinique postopératoire étaient le groupe NC (OR 1,9 ; IC 95 % : 1,07 - 3,57 ; p = 0,02), la présence de manifestations extradigestives (OR 2,9 ; IC 95%: 1,51 - 5,55 ; p = 0,001) et le phénotype non pénétrant de la maladie (OR 2,4 ; IC 95 % : 1,29 - 4,47 ; p = 0,005). Le principal message de ce travail est le suivant : les patients ayant eu une coloscopie ont eu une réduction du taux de récidives cliniques de 50 % comparativement à ceux n’ayant pas eu cet examen. Ceci peut s’expliquer par l’adaptation des traitements grâce à l’évaluation endoscopique précoce. Il convient donc de convaincre nos patients de l’utilité de cet examen, certes désagréable, mais utile à l’adaptation des traitements postopératoires au profil évolutif individuel de la maladie.
Dr X.Treton