MANIPULATIONS RACHIDIENNES : QUELLE EFFICACITE ?

Manipulations rachidiennes : quelle efficacité ?

Dans les pays occidentaux, environ 80 % des sujets font l'expérience, à un moment ou à un autre de leur existence, d'une douleur rachidienne. Parmi les différentes thérapeutiques proposées, les manipulations et les mobilisations rachidiennes sont utilisées depuis longtemps. Mais ces méthodes ont-elles une réelle efficacité ? Des auteurs néerlandais se sont penchés sur ce problème épineux en analysant toutes les études publiées dans ce domaine de 1966 à 1990.

Chaque étude a reçu un score selon des critères pré-établis et généralement acceptés pour la réalisation de tels travaux. Ces critères prenaient en compte la population étudiée (homogénéité, comparabilité, randomisation, perte de vue des patients au cours de l'étude), la description des interventions réalisées, la participation d'un groupe placebo (bien que celui-ci soit difficile à définir dans ce type d'études), l'appréciation du résultat en aveugle ou non, la période de suivi et les méthodes analytiques employées. Le score maximal était de 100 points. La qualité méthodologique de chaque essai a été estimée par deux lecteurs en aveugle. L'étude était dite positive si les auteurs concluaient à l'efficacité des manipulations et à leur supériorité sur les traitements de référence ; parfois, le bénéfice n'était constaté que pour un sous-groupe particulier.

Une qualité médiocre

Trente-huit études ont rempli les critère d'inclusion. Trois essais ayant été publiés à deux reprises, au total 35 travaux étaient disponibles parmi lesquels 30 concernaient des douleurs lombaires et 5 des douleurs cervicales.

Aucune étude n'a atteint 60 points ou plus, et seulement 4 totalisaient 50 points au moins, ce qui atteste de la médiocre qualité générale. Les problèmes méthodologiques les plus fréquents étaient liés à la taille de l'échantillon, à l'absence de groupe placebo et d'évaluation en aveugle.

Dans 18 études, les auteurs ont rapporté un résultat bénéfique et supérieur aux traitements habituels ; dans 5 autres essais, des résultats meilleurs ont été notés dans un sous-groupe particulier et, dans 11 études, les manipulations n'ont pas semblé plus efficaces que le traitement de référence ; dans un cas, aucune conclusion n'a été apportée par les auteurs.

Difficile de conclure à la vue de ces résultats. Pourtant, en y regardant de plus près, d'autres éléments, plus précis, apportent quelques éclaircissements.

Ainsi, parmi les 4 études dont la méthodologie a été évaluée entre 50 et 60 points, l'une rapportait des résultats positifs, l'une des résultats négatifs et les deux autres des résultats bénéfiques dans des sous-groupes uniquement. Dans les 9 essais dont le score était compris entre 40 et 50, seulement 2 d'entre eux avaient des résultats positifs, 6 des négatifs.

Des 14 études mesurant les effets à 3 mois après la randomisation, seulement 4 ont montré des résultats bénéfiques à ce terme.

Parmi les 18 études aux résultats positifs, seules 3 avaient un score supérieur ou égal à 40, alors que 7 des 11 études négatives avaient un score supérieur ou égal à 40 : les études négatives semblent donc caractérisées par une meilleure méthodologie.

Enfin, 8 essais ont confronté l'effet des manipulations avec un placebo (ce dernier étant pour la plupart du temps une physiothérapie) : 4 études ont abouti à des résultats positifs, 1 à un résultat positif dans un sous-groupe particulier et 3 à des résultats négatifs.

Dans la plupart des essais, il s'agissait d'affections douloureuses aiguës et chroniques et les manipulations étaient le plus souvent associées à d'autres traitements. Les sous-groupes "répondeurs" étaient divers : raideur modérée, réalisation des manipulations après une ou trois semaines d'évolution des douleurs, ou uniquement lors de douleurs aiguës...

Prudence, prudence

Au total, ce travail confirme que la plupart des études d'évaluation de l'efficacité des manipulations sont sujettes à caution : les essais publiés ont souvent porté sur une petite population et avaient conclu à des résultats positifs. C'est ainsi que la plupart des études totalisaient moins de 50 points (le score maximal de 100 paraît toutefois très difficile à atteindre).

Les auteurs devraient donc s'attacher à l'avenir à mieux décrire les techniques, à mieux apprécier la taille de la population étudiée, à utiliser un placebo, à effectuer des études en aveugle, et à noter les effets à long terme. Certains ont suggéré de délivrer de fortes doses de Valium® afin que les malades oublient totalement de quel traitement (manipulations ou autre) ils avaient bénéficié.

Il paraît toutefois peu licite d'imposer un tel traitement pour tester l'efficacité de méthodes dans des pathologies généralement bénignes !

Quoi qu'il en soit, le résultat de cette analyse indique que les manipulations ne paraîssent pas apporter un gain supplémentaire par rapport aux traitements classiques. Elles pourraient être réservées à certains sous-groupes dont il est toutefois difficile de préciser le caractère (parmi les deux études à score élevé, les deux sous-groupes ayant eu un bénéfice étaient ceux où les douleurs avaient duré de 2 à 4 semaines).

Des études à la méthodologie plus rigoureuse restent donc à effectuer.

Didier Alcaix

Koes B. W. et coll. : "Spinal manipulation and mobilisation for back and neck pain : a blinded review". Br. Med. J., 1991 ; 303 : 1298 - 1303.

ALCAIX DIDIER

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