
Porto-Novo, le samedi 9 avril 2022 - Mariette Montcho, béninoise de 32 ans, milite pour les droits des femmes et est responsable du Réseau Ouest africain des Jeunes Femmes leaders du Bénin. Convaincue que la libération des femmes est un préalable au développement de l’Afrique, elle lutte en faveur du droit à l’IVG et à la contraception, contre les violences sexuelles et sexistes, défend « l’autonomisation » des femmes et se bat pour qu’elles soit représentées dans les instances de pouvoir.
Son combat principal reste cependant la santé sexuelle et reproductive. Comment, en effet, imaginer une Afrique prospère quand les femmes n’ont pas le choix d’enfanter ou non et où, bien souvent, les familles comptent 6 à 7 enfants, les maintenant dans la pauvreté.
Mais au-delà de ces considérations socio-économiques, c’est évidemment la liberté des femmes que cette passionaria a au cœur.
L’IVG autorisé au Bénin
Un combat qui a déjà en partie atteint son but. Ainsi, grâce à une lutte acharnée des femmes béninoises et l’oreille attentive du pouvoir, le bénin est devenu le premier pays d’Afrique de l’Ouest à autoriser l’IVG (hors des cas de danger pour la vie de la mère, de viols et de maladies congénitales) à la fin de l’année dernière. « A la demande de la femme enceinte, l’interruption volontaire de grossesse peut être autorisée lorsque la grossesse est susceptible d’aggraver ou d’occasionner une situation de détresse matérielle, éducationnelle, professionnelle ou morale incompatible avec l’intérêt de la femme et/ou de l’enfant à naître », stipule ainsi désormais la loi béninoise.
Mais des freins demeurent : « d'un point de vue technique, ce n'est pas évident de trouver un médecin pour le pratiquer. Les médecins, malgré la loi, restent réticents. Et puis il faut aussi pouvoir accès à un plateau technique sécurisé. Il y a aussi d'autres obstacles : la peur du regard de la société, d'être rejetée et le poids de la religion » explique Mariette Montcho sur France 24. En outre, dans la société, l’IVG et la sexualité demeurent des sujets défendus: « c'est un tabou, on cherche ses mots pour en parler. C'est un tabou qui concerne tout ce qui touche à la sexualité au Bénin. C'est incroyable que nos parents font tout ce qu'ils peuvent pour nous envoyer à l'école, mais ils ont peur de parler sexualité avec leurs filles. Il y a beaucoup d'efforts à faire sur ce terrain-là, car cela permettrait d'éviter bien des drames dont les jeunes filles sont victimes » poursuit-elle.
Mariette Montcho n’oublie pas pour autant sa lutte pour l’éducation des filles. « J'estime que la meilleure façon d'arriver à bout des violences que les femmes subissent au quotidien, c'est qu'elles soient éduquées, autonomes et épanouies » appuie-t-elle.
Et à la militante de faire un rêve : « Dans dix ans, j'aimerais voir les femmes libérées, épanouies. Et aussi des hommes et des femmes qui vraiment comprendraient l'enjeu d'avoir accès à son corps, de bénéficier des droits en matière de santé sexuelle et de reproduction sans jugement, sans tabou. Que chacun puisse accompagner l'autre dans sa sexualité. C'est vraiment dommage de vivre sous le diktat de la société, des traditions, des cultures sans être épanouie soi-même. Il est important que les lois que nous votons aujourd'hui soient en faveur de l'émancipation des jeunes filles pour que chacune puisse être autonome dans sa sexualité. Moins de grossesses précoces et non désirées, accès aux moyens de contraception, et aux services sécurisés pour pratiquer l'avortement, pour une sexualité libre et épanouie, voilà mon souhait ! ».
Marlène Augustin