A la naissance de l'enfant, les parents doivent mettre toutes leurs cartes sur table : identifications à leurs propres parents, investissement du nouveau-né, changement de génération pour eux-mêmes. C'est une "nouvelle donne" intégrale à laquelle on assiste psychologiquement.
Mais lorsque la naissance devient à risque, les dangers psychologiques qui peuvent peser sur l'établissement de la relation mère-enfant sont susceptibles de devenir non négligeables.
C'est pourquoi, à l'heure des progrès constants de la néonatologie et des procréations médicalement assistées, il est aussi nécessaire de penser psychoprophylaxie autour de cette période charnière de la naissance.
Les "kangourous" de l'hôpital A. Béclère en sont une bonne illustration (unité de néonatologie - Pr Gabilan, située dans la maternité même - Pr Frydman). "Kangourou" : parce que le maximum y est réalisé pour rapprocher le nourrisson de sa mère. Traditionnellement, lorsque paraît l'enfant "à risque", celui-ci est transféré dans une salle plus ou moins à distance de la maternité où il naît. Aux "kangourous", c'est l'inverse qui est proposé : ce sont les soignants qui se déplacent vers l'enfant qui, lui, est maintenu dans la chambre de sa mère.
C'est depuis 1987 que l'unité de surveillance néonatale a été ainsi déplacée dans des locaux situés au milieu des chambres des mamans dans le secteur "suite de couches". La structure est éclatée autour d'un poste central. Les enfants séjournent au maximum dans la chambre de leur mère dans la journée et ne sont ramenés dans le poste central que dans la nuit, ou transitoirement en cas de besoin ou de soin particulier. Incubateurs, pompes de perfusion sont donc installés dans les chambres des mères. Le contact des nourrissons et des mères est favorisé au maximum et les mères sont invitées à participer à certains soins.
Ainsi, la mère ne se trouve plus isolée, ni plongée dans la culpabilité et dans l'angoisse, mais elle est à même, d'engager un dialogue interactif avec son nourrisson et donc de mieux amorcer la relation avec son enfant. Tout n'a pas été facile pour autant et, dans la mise en route de ce projet, mûri en équipe, des difficultés ont été rencontrées : sentiment d'insécurité lié à la dispersion des enfants (sous le "seul" regard de leurs mères parfois) ; nécessité d'être disponible pour expliquer chaque soin ; et même un certain sacrifice des gratifications usuelles d'un soignant qui, ici, tente de s'effacer pour privilégier les parents.
Le bilan parle de lui-même : après trois ans et demi de fonctionnement, environ 1 500 enfants ont été admis en toute sécurité, sans aucun incident, et à la satisfaction unanime des parents.
Les "kangourous" : un grand bond en avant !
Michel Sanchez-Cardenas
Propos recueillis aux journées nantaises de soins en pédiatrie des 6 et 7 juin 1991.
SANCHEZ-GARDENAS MICHEL