Microbiome et cancer du côlon : état des lieux

100 milliards de bactéries pour une biomasse de 0,5kg, et un rôle majeur dans les troubles gastro-intestinaux et hépatiques ! Le microbiome est à présent pris très nettement au sérieux par les experts au point de bénéficier de présentations orales dans quasi tous les congrès d’envergure. Il est d’autant plus pris au sérieux en oncologie digestive que l’on sait que le risque de cancer colorectal est directement associé au mode alimentaire, un mode qui influence directement la composition du microbiote.

Microbiote et risque de cancer

Dans ce contexte, le premier constat effectué par Herbert Tilg (Innsbruck) est la relative stabilité du microbiote intestinal au niveau individuel, les principales différences observées avec le temps et les maladies intercurrentes portant sur les proportions relatives au sein des familles. Le deuxième constat est que certains germes sont peu adhérents à la couche de mucus avec des interactions limitées au niveau épithélial, d’autres étant très adhérents par contre.

Quoi qu’il en soit, la taxonomie du microbiote reconnaît au moins 6 phyla : les firmicutes (65 % de la population), les bacteroides (25 %), les actinobactéries (5 %), les protobactéries (3 %), les fusobactéries (1 %) et les verrucomicrobia (1 %), toutes espèces dont la composition et la proportion varient chez l’homme de manière reproductible avec la composition de l’alimentation (protéines, lipides, glucides) et son mode (animal et végétal).

La consommation de produits d’origine animale entraîne par exemple une surproduction d’espèces résistantes aux acides biliaires (Alistipes, Bilophila, Bacteroides) qui assurent un profil pro-inflammatoire au microbiote.

L’inflammation étant au cœur du risque cancérogène, les experts se sont intéressés de près à ce qui pouvait la moduler. C’est ainsi qu’ils ont pu déterminer le fait que la lipocaline 2, une protéine qui sert au transport de petites molécules hydrophobes telles que les stéroïdes, les sels biliaires, les rétinoïdes et les lipides, est impliquée dans les processus inflammatoires comme l’ont montré les études sur modèle murin dans lesquels des souris KO pour le gène codant pour cette protéine et pour le gène codant pour l’IL-10 développent des maladies inflammatoires de l’intestin. Ces souris développent par ailleurs spontanément des tumeurs du côlon droit et sont sensibles aux antibiotiques. D’autres études ont montré que les « espèces pro-inflammatoires » sont susceptibles de favoriser la transformation d’un épithélium hyperprolifératif en adénocarcinomes.

Chez l’homme, le biofilm de patients porteurs d’une polypose familiale adénomateuse contient des bactéries tumorigènes. Une autre équipe a pu démontrer une augmentation des bacteroides et des E.coli en cas de cancer colorectal, certains de ces bactéroides étant associés à un taux élevé de la CRP. Ils ont également démontré qu’un régime carné comportant peu de fruits et légumes est associé à une croissance des bactéries qui contribuent à un environnement intestinal hostile.

Le microbiome, un biomarqueur ?

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si une analyse métagénomique du microbiome pourrait servir de marqueur non invasif du cancer colorectal. C’est dans ce contexte qu’une équipe japonaise a constaté qu’une altération du virome entérique est associée non seulement au risque de cancer colorectal mais aussi aux probabilités de survie. Dans le même temps, Fusobacterium semble impliqué dans le processus de métastases, particulièrement au niveau hépatique, via son action sur la voie de signalisation des bêta-caténines, tandis que l’inhibition de ce germe par du métronidazole réduit le risque.

Le microbiome influence donc le risque de cancer colorectal, et ce risque peut être réduit en agissant sur le microbiome. Reste alors la question de savoir si la composition du microbiote influence la réponse tumorale aux agents anti-cancéreux. Cela semble être le cas pour l’immunothérapie. En effet, sur modèle murin, les tumeurs traitées par antibiotiques (ou chez des souris axénique) ne répondent pas aux anti-CTLA-4, probablement parce que les Bacteroidales exercent des effets immunostimulants en générant une réponse des cellules T.

Le microbiome est-il pour autant un prédicteur de réponse chez l’homme également ? Probablement si l’on en croit une étude réalisée sur des patients avec cancer du poumon, cancer du rein ou cancer urothélial traités par antibiotiques et qui montre que la survie est moins bonne dans ces cas. D’autres études ont montré que la proportion d’Akkermansia est directement liée à l’importance de la réponse chez des patients traités par anti-PD-1/PD-L1. La même observation a été faite en cas de mélanome, ce qui permet à Herbert Tilg d’affirmer qu’un microbiome ‘équilibré’ ou ‘favorable’ est associé à une augmentation de l’immunité systémique et antitumorale.

En résumé, les bactéries intestinales ont une activité antitumorale qui peut être améliorée par l’administration de probiotiques. A contrario, les cancers colorectaux sont associés à de profondes altérations de ce microbiome, un microbiome dont la composition interfère avec la réponse aux traitements immunothérapiques.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Tilg H : Microbiome and colon cancer. Plenary session. World Congress On Gastrointestinal Cancer (Barcelone) : 20 – 23 juin 2018.

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