Si les premières études chez la souris et l’homme ont montré que l’obésité était associée à une plus faible diversité bactérienne, une analyse plus approfondie a montré que certains sujets obèses ou en surpoids présentent un respect de la diversité microbienne (flore riche et diverse) alors que d’autres présentent un microbiote appauvri (environ 20 à 40 %). Ces derniers ont le plus souvent un profil métabolique défavorable : insulino-résistance, dyslipidémie et inflammation bas-grade amplifiée. Ils ont, en outre, un profil marqué de bactéries pro-inflammatoires et c'est sur ces patients que la recherche se penche actuellement.
Mais la recherche se focalise aussi sur la nature de l'alimentation. L’analyse de la composition du microbiote a révélé dans ce sens des variations majeures en fonction de la nature de l’alimentation. Mais elle a aussi montré qu'existent de nombreuses ressemblances qui ont conduit au concept d'entérotypes. Ces entérotypes sont caractérisés par la présence prédominante d’un genre bactérien comme, respectivement: Bacteroides pour l'entérotype 1, Prevotella pour l'entérotype 2 ou Ruminococcus pour l'entérotype 3. Habituellement, une alimentation contenant majoritairement des protéines animales et des graisses saturées favorise l’entérotype 1. A l’inverse, une alimentation enrichie en hydrates de carbone favorise l’entérotype 2, ce qui suggère que l'on puisse modifier le microbiote en modifiant l'alimentation. Dans ce sens, une étude menée par l'équipe de Judith Aron-Wisniewsky (Pitié-Salpêtrière), et consistant en une réduction calorique, associée à un enrichissement en protéines, fibres et glucides, a montré des changements dans la composition du microbiote (augmentation de 30 % environ de la richesse bactérienne) chez les personnes obèses ou en surpoids, en particulier chez ceux qui avaient un appauvrissement du microbiote intestinal avant l’intervention ; ces changements de composition étant associés à des améliorations métaboliques et inflammatoires.
Outre la diététique, de plus en plus de preuves suggèrent que la composition du microbiote évolue aussi après la chirurgie bariatrique au moins à court et moyen terme avec en parallèle l’amélioration de la résistance à l'insuline. Ces modifications du microbiote induites par un by pass gastrique ont apparemment de multiples origines : changements de motilité intestinale, de PH (favorisant la prolifération bactérienne), modifications des incrétines, des acides biliaires, …
En bref, le microbiote a une responsabilité dans le stockage énergétique comme le démontrent également les études de transplantation fécale chez de souris axéniques rendues obèses par un régime gras. Ces dernières développent de la masse grasse, une stéatose hépatique et une inflammation dite de bas-grade. Ces données ont été reproduites lors du transfert de flore, provenant de jumeaux humains divergents pour le poids, chez des souris. Les souris qui ont reçu le microbiote du jumeau obèse prennent significativement plus de masse grasse que les souris qui ont reçu celui du jumeau non obèse.
"Approfondir nos connaissances du microbiote intestinal permettra de mieux comprendre la physiopathologie des maladies nutritionnelles et métaboliques, mais aussi de proposer des thérapeutiques ciblées dans le futur, conclut Judith Aron-Wisniewsky. L’analyse du microbiote pourrait aussi nous permettre de stratifier les patients en répondeurs et non répondeurs afin de proposer des thérapeutiques personnalisées. "
Dr Dominique-Jean Bouilliez