Des auteurs de l’hôpital Necker (Paris) font le point sur les nouvelles thérapies dans la plus fréquente des pathologies récessives létales en population caucasienne : la mucoviscidose. Dans un contexte où la survie des patients s’est considérablement améliorée au cours des deux dernières décennies, avec une médiane de survie aux environs de 20 ans dans les années 1980, élevée à plus de 40 ans actuellement, ils passent en revue les progrès réalisés.
La voie des agents mucomodulateurs et les voies de sécrétion ionique
I. Sermet-Gaudelus et coll. mettent l’accent sur le progrès majeurs qu’a permis la mise sur le marché de la dornase alpha, DNase recombinante humaine, qui permet l’hydrolyse de l’ADN issu des bactéries et des polynucléaires des sécrétions, diminuant ainsi la viscosité du mucus et facilitant un élément clé de la prise en charge pulmonaire, la kinésithérapie respiratoire.
Le rôle des agents hyperosmolaires, susceptibles d’améliorer l’hydratation du mucus et la clairance muco-cilaire est rappelé : sérum salé hypertonique (mais d’inhalation mal tolérée) ; mannitol, qui pourrait constituer un progrès majeur, sous forme de microsphères creuses, en facilitant la pénétration des traitements nébulisés dans les petites voies aériennes, au cœur de la zone critique, site privilégié de la protéine CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator), principale voie de sécrétion du chlorure et inhibiteur de la réabsorption du sodium via le canal ENac ; les études de phase II ayant montré une
amélioration significative de 7,5 % de la fonction respiratoire
en trois mois de traitement.
Parmi les molécules majorant le transport de chlorure, les auteurs
citent : le denufosol pour lequel les études de phase 3
mettent en évidence une amélioration significative de la fonction
respiratoire au bout de 24 semaines en comparaison du placebo, et
la poursuite de cet effet bénéfique 48 semaines durant ; le
Moli1901 (duramycin), efficace sur la fonction respiratoire dès 4
semaines de traitement dans les essais de phase II.
Des études menées chez l’animal ayant récemment révélé le rôle nocif majeur de l’excès de réabsorption de sodium via le canal ENac dans la genèse de la mucoviscidose, la recherche s’oriente vers la réduction de l’absorption excessive du sodium des épithéliums respiratoires malades. L’amiloride aurait un effet inhibiteur, mais transitoire, de cette réabsorption ; le P-680, en cours d’essai de phase 1 aurait un effet plus prometteur.
Des thérapies protéiques
Selon les mutations, l’anomalie génétique se traduit par l’absence, la dégradation ou un dysfonctionnement de la protéine produite, autant d’impacts thérapeutiques à l’étude.
Les aminosides permettraient ainsi, in vitro, de masquer les codons stop, et de favoriser la trans-lecture des mutations et la synthèse d’une protéine fonctionnelle, mais leur néphro- et ototoxicité freinent les perspectives thérapeutiques au long cours. Les essais de phase 2 du PTC-124, montrent, au bout de 15 jours de traitement, la normalisation de la sécrétion de chlorure chez un nombre significatif de patients, et un impact bénéfique sur la toux et la fonction respiratoire après 3 mois.
Un inhibiteur de l’alpha-1,2 glucosidase inhiberait, in vitro, une des principales voies de dégradation du protéasome et permettrait l’adressage à la membrane de CFTR et la restauration d’un transport de chlorure.
En ce qui concerne les mutations associées à un défaut de fonction de la protéine produite, un vaste projet examine, de façon systématique, les molécules « correctrices » susceptibles de potentialiser l’activité de ces protéines. Dans cette approche, le VX70, en essai de phase II, s’est avéré, chez les patients porteurs de la mutation G551D, restaurer le sécrétion de chlorure, nasale et sudorale, et améliorer à 1 mois le VEMS.
Des thérapeutiques anti-infectieuses
Fondamentales pour lutter contre l’infection chronique notamment à Pseudomonas aeruginosa, facteur de détérioration pulmonaire, des thérapeutiques inhalées sont en cours d’études de phase III (aztréonam, tobramycine, colimycine).
D’autres cibles thérapeutiques sont en développement, et les auteurs évoquent, dans un avenir plus lointain, la mise au point d’une carte d’identité génétique ou protéique pour chaque patient, afin de cibler les traitements les plus efficaces.
Dr Julie Perrot