En Martinique, l’épidémiologie du cancer du poumon diffère sensiblement de celle de la métropole. Le cancer bronchique représente aux Antilles Françaises la 5ème cause de cancer chez l’homme et la 6ème chez la femme, mais respectivement les 2ème et 3ème causes de décès par cancer. En métropole, sur les données de l’INCA de 2012, le cancer du poumon avec 39 495 nouveaux cas estimés est au 4ème rang des cancers par ordre d’incidence (derrière les cancers de prostate, du sein et colorectal), mais le premier en terme de mortalité.
Le récepteur EGFR est une cible thérapeutique très importante dans le cancer du poumon. On estime à 10 % la proportion des personnes atteintes d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) et porteuses d’une mutation du gène de l’EGFR. La présence d’une mutation est retrouvée plus fréquemment chez certains patients. On la détecte ainsi plus souvent chez les femmes, les non-fumeurs (ou les « petits » fumeurs), les sujets d’origine asiatique et chez les patients porteurs d’un adénocarcinome.
Des auteurs de Fort de France ont mesuré la présence du récepteur à l’EGFR muté chez leurs patients, d’origine principalement afro-caribéenne et peu tabagiques.
L’analyse est rétrospective et porte sur les cas d’adénocarcinomes bronchiques diagnostiqués de janvier 2013 à mai 2015. Sur les prélèvements provenant de 91 patients, 35 (38 %) se sont révélés positifs pour une mutation de l’EGFR. Soixante-deux pourcent des malades « mutés » sont des femmes contre seulement 33 % dans le groupe exempt de mutation (p = 0,006). Il n’a pas été mis en évidence de différence d’âge entre le groupe avec mutation pour l’EGFR et le groupe de patients non mutés.
Au niveau moléculaire, parmi les tumeurs mutées, sur 20 prélèvements, il existait une délétion de l’exon 19 et, concernant 11 prélèvements, il s’agissait d’une mutation ponctuelle de l’exon 21.
Ainsi, il semble que la population d’origine antillaise (et plus particulièrement les femmes antillaises) présente un taux de mutation pour l’EGFR très supérieur à celui relevé dans les groupes de patients non sélectionnés ou ceux d’origine plutôt caucasienne. Compte tenu de la possibilité de bénéficier d’une thérapeutique ciblée dans ce cas, il est crucial de rechercher systématiquement cette mutation dans ce sous-groupe ethnique. Comme le souligne les auteurs de cette étude, il serait également intéressant de poursuivre et de préciser, par des études épidémiologiques, le profil clinique (ethnie, sexe et habitus tabagique) associé aux mutations de l’EGFR afin d’orienter les recherches des anatomopathologistes.
Dr Béatrice Jourdain