Ne brûlez pas la cigarette électronique !

Dr Catherine Griffart

Il y a déjà quelques années le tabagisme dans les lieux publics, bars, restaurants et sur les lieux de travail a été interdit…Et cette mesure a été salutaire pour de nombreuses victimes du tabagisme passif. Elle a même sans aucun doute été également profitable aux "meurtriers" en puissance que sont les fumeurs. 

Ce qui paraît désormais plus contestable ce sont les « aménagements » proposés ici ou là  à l’application de cette loi pour aller jusqu’à empêcher (c’est déjà fait dans certaines contrées) de fumer sur les plages ou encore dans les parcs publics. Lieux forcément aérés où la fumée n’est plus nocive que pour le seul consommateur.  Mais voilà cela donne un « mauvais exemple ». Pourquoi alors ne pas envisager d’interdire de boire de l’alcool dans les cafés ou du vin dans les restaurants ou encore s’exposer au soleil, et d’autres comportements dangereux risquant d’être mimés par de plus jeunes ? Peut-être n’y a-t-on pas pensé dans un pays où l’on peut écrire sur le bonheur de la « première gorgée de bière »…

Au nom de quoi interdire ?

Plus certainement le fumeur est devenu l’homme (ou la femme) à abattre…moralement. Comment sinon interpréter la polémique qui fait rage actuellement autour de la cigarette électronique ?

Voilà un objet qui n’est certainement pas nocif pour l’entourage puisqu’il n’émet que de la vapeur d’eau. Pour le fumeur lui-même il permet de restituer le plaisir du geste et de la fumée avec à coup sûr moins de danger pour son propre organisme : même s’il choisit de remplir de nicotine le réservoir de sa e-cigarette, c’est en quantité moindre et il échappe aux effets respiratoires de très nombreux produits de combustion et autres goudrons. Adoptée par près d’un demi-million de fumeurs dans le monde, la cigarette électronique est pour beaucoup une piste vers le sevrage.

Nonobstant ces apparents avantages, l’objet fait débat. Certains tabacologues estiment que son innocuité n’est pas certaine et évoquent les dangers possibles de la déposition de gouttelettes de propylène glycol au niveau des alvéoles pulmonaires. Surtout ils l’accusent d’entretenir la gestuelle. L’OMS, l’ANSM et l’Office français de prévention du tabagisme ont tous émis des avis négatifs. Certains pays (Israël, Brésil) interdisent carrément son utilisation. 

Début mars, Marisol Touraine a commandé une enquête pour évaluer le produit. Mais la réponse, quant aux risques éventuels liés à l’utilisation de l’e-cigarette ne saurait être rapide. Plusieurs décennies ont été nécessaires avant que les méfaits du tabac ne soient reconnus et davantage pour ceux du tabagisme passif. Car pour démontrer la nocivité ou l'innocuité de l'e-cigarette (comme d'ailleurs des substituts nicotiniques !) il faudrait suivre sur le long terme des cohortes d'utilisateurs  (sans que l'on puisse facilement distinguer ce qui reviendrait au produit analysé et au tabagisme qui l'aurait nécessairement précédé).  Encore ne faut-il pas passer sous silence l’influence de certaines dispositions fiscales : l’e-cigarette est beaucoup moins taxée que le tabac… et donc rapporte beaucoup moins aux Etats.

Non seulement il ne fait rien d'illicite, mais il a l'air content !

En attendant, et au-delà des interrogations peut-être nécessaires que se posent les autorités sanitaires il reste qu’intuitivement, la cigarette électronique (surtout avec un réservoir vide de nicotine !) est a priori moins nocive que la cigarette classique. Et que son utilisation pourrait être encouragée à titre de sevrage.

Si elle dérange les industriels du tabac (du moins pour l’instant), les responsables santé, les tabacologues et les fabricants et distributeurs de substituts nicotiniques patentés, elle perturbe également l’entourage qui supporte mal la vision de ces maudits fumeurs de nouveau avec leur « tige » dans la bouche sans qu’on ne puisse leur intimer de cesser puisqu’ils n’ont même pas contourné la loi. Non punissables donc. Et heureux. C’est trop fort ! Alors d’aucuns avancent, pour se dédouaner de pensées hostiles,  que l’e-cigarette est aussi à bannir puisque le côtoiement des e-fumeurs pourrait conduire les plus jeunes à initier un tabagisme : toujours le mauvais exemple…

Entendons nous bien, il ne s’agit absolument pas ici de défendre l’e-cigarette mais de ne pas la laisser condamner pour de mauvaises raisons. Et d’offrir au fumeur une possibilité de se sevrer (comme avec les substituts nicotiniques) même si quelques problèmes persistent quant à la réglementation à adopter pour l’e-cigarette : produit de grande consommation ou dispositif médical ?

Tout se passe comme si le fumeur n’avait pas droit à être soutenu dans sa difficile quête vers l’abstinence et qu’il doive souffrir !

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Réagir à cet article

Les réactions sont réservées aux professionnels de santé inscrits et identifiés sur le site.
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.


Lorsque cela est nécessaire et possible, les réactions doivent être référencées (notamment si les données ou les affirmations présentées ne proviennent pas de l’expérience de l’auteur).

JIM se réserve le droit de ne pas mettre en ligne une réaction, en particulier si il juge qu’elle présente un caractère injurieux, diffamatoire ou discriminatoire ou qu’elle peut porter atteinte à l’image du site.