Si l'on connaît assez bien les complications potentielles (hémodynamiques, troubles conductifs...) de l'atteinte ventriculaire droite (VD) au cours d'un infarctus inférieur, peu de données sont disponibles sur sa valeur pronostique. L'équipe de Zehender a rapporté une série de 200 patients consécutifs hospitalisés pour infarctus inférieur et a étudié l'influence de l'atteinte VD sur la morbidité et la mortalité hospitalières ainsi que sur la survie à distance.
Il s'agissait de patients âgés en moyenne de 61,5 ans, ayant un infarctus inférieur datant de moins de 24 heures (36% ont été thrombolysés). Tous les sujets ont eu un électrocardiogramme (ECG) avec dérivation V4R dans les 24 heures suivant leur admission, dans le but d'évaluer la valeur diagnostique de ce critère ECG pour l'atteinte VD. Quatre procédures ont été utilisées comme méthode de "référence" pour poser le diagnostic d'atteinte VD :
- la ventriculographie droite et/ou la coronarographie (une atteinte proximale de la coronaire droite étant considéré comme un signe d'extension VD) (118 patients) ;
- le cathétérisme droit (élévation des pressions de remplissage VD, aspect en Dip plateau diastolique) (68 patients) ;
- la scintigraphie Tc99m (92 patients) ;
- les constatations autopsiques (18 patients).
Surmortalité hospitalière
Parmi les 200 patients avec infarctus inférieur, 107 (54%), avaient un sus-décalage du segment ST en V4R sur l'ECG à leur arrivée à l'hôpital. En considérant l'ensemble des méthodes diagnostiques de référence, la sensibilité et la spécificité du sus-décalage de ST en V4R pour le diagnostic d'atteinte VD étaient respectivement de 88 et 78%.
La mortalité hospitalière a été de 19% pour l'ensemble de la population étudiée, et des complications "majeures" sont revenues chez 47% des patients (choc cardiogénique, fibrillation ventriculaire, tachycardie ventriculaire soutenue, BAV complet ou complication mécanique). Les patients avec un sus-décalage de ST avaient une mortalité hospitalière de 31% (contre 9% chez ceux qui n'avaient pas ce signe ECG, p<0,001). De même, les complications précoces étaient beaucoup plus fréquentes en cas de signe ECG d'extension VD de l'infarctus (64 vs 28%, p<0,001).
Une analyse multivariée de différents paramètres a montré que le sus-décalage de ST en V4R était un facteur supérieur à tous les paramètres cliniques pour la prédiction de la mortalité hospitalière (risque relatif de 7,7) et des complications majeures (risque relatif de 4,7).
En revanche, au cours d'un suivi moyen de 37 ± 12 mois, aucune différence de mortalité après la sortie de l'hôpital n'était observée entre les patients avec et sans atteinte ventriculaire droite.
Les auteurs en déduisent que l'extension ventriculaire droite d'un infarctus du myocarde inférieur est fréquente (environ 50 %), qu'elle peut être diagnostiquée avec fiabilité par un sus-décalage de ST en V4R et qu'elle s'accompagne d'une surmortalité hospitalière importante.
Une attitude plus "agressive"
L'intérêt de ce travail réside dans le caractère consécutif des 200 patients et la simplicité du signe diagnostique. Par contre, une limite importante concerne le "gold standard" choisi pour affirmer l'extension VD. En effet, quatre techniques différentes sont utilisées dont certaines sont très discutables (localisation de la sténose coronaire droite, scintigraphie VD).
L'enregistrement de la dérivation V4R doit donc être réalisé systématiquement devant tout infarctus inférieur récent, et la mise en évidence d'une atteinte du VD peut amener à envisager une attitude plus "agressive" afin d'obtenir la perméabilité coronaire, compte tenu de la gravité pronostique de cette localisation. Dans son éditorial, Wellens préconise en cas d'infarctus inférieur avec sus-décalage de ST en V4R, une fibrinolyse ou une angioplastie précoce chaque fois que cela est possible. La mise en évidence d'une méthode non invasive plus performante que l'ECG (en particulier plus spécifique), représenterait une avancée importante dans cette pathologie.
Zehender M. et coll. : "Right ventricular infarction as an indenpendent predictor of prognosis after acute inferior myocardial infarction". N. Engl. J. Med., 1993 ; 328 : 981-988.
Wellens H. J. J. : "Right ventricular infarction". N. Engl. J. Med. , 1993 ; 328 : 1 036 - 1 038.
Christophe Chauvel