Chez les grands prématurés (GP), malgré les avancées thérapeutiques, le taux des séquelles neuro-développementales n’a pas diminué de façon spectaculaire, et l’absence de lésions cérébrales décelables par échographie ou IRM, en période néonatale, ne donne pas l’assurance d’un bon développement. Ce double constat justifie la recherche de moyens de protection du cerveau du GP.
Les études expérimentales, sur des modèles animaux de lésions de la substance blanche, et les enquêtes épidémiologiques, sur le devenir des GP à moyen et à long terme, font penser que la genèse des séquelles est multifactorielle, avec des facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux. Les résultats de l’expérimentation sont toutefois difficiles à transposer à l’homme.
Un certain nombre de molécules ont été parées de vertus neuro-protectrices, mais seuls le sulfate de magnésium et la caféine ont fait l’objet d’essais contrôlés et randomisés (ECR).
Deux molécules sont déjà utilisées, pour d’autres raisons, en
obstétrique.
En premier lieu, le sulfate de magnésium, grand médicament de la
pré-éclampsie et de l’éclampsie dans les pays anglo-saxons. Dans un
ECR français multicentrique, une injection à la mère, d’une faible
dose de magnésium, juste avant un accouchement à un terme < 33
semaines, était associée à une diminution significative des
décès/déficits moteurs ou paralysies cérébrales à 2 ans, mais il
s’agissait de critères de jugement combinés secondaires.
En second lieu, les corticoïdes fluorés (bétaméthasone, dexaméthasone) qui sont administrés avant la naissance pour accélérer la maturation des poumons du fœtus. ils réduisent ainsi de 45 % le risque d’hémorragie intra-ventriculaire ; et, d’après l’enquête EPIPAGE, ils diminuent aussi le risque de leucomalacie périventriculaire avec cavitation, mais seulement entre 28 et 32 semaines (Odds Ratio [OR]=0,60 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 0,46 à 0,79). Les effets à long terme sont plus discutés. La dexaméthasone suscite des réticences.
Les autres substances sont maniées en néonatologie.
La caféine est très utilisée contre les apnées du prématuré. C’est
un antagoniste des récepteurs à l’adénosine, un neuromédiateur
cérébral essentiel. Un grand ECR nord-américain, publié en 2007,
dans NEJM, montre que les enfants de 500 à 1250 g, traités par
caféine, ont moins de risques de décéder/survivre avec des
séquelles (OR=0,77 ; IC95 de 0,64 à 0,93), d’avoir des paralysies
cérébrales ou des déficits intellectuels.
L’indométacine est indiquée pour fermer les canaux artériels persistants. Certaines études suggèrent que l’utilisation de cette anti-prostaglandine (ou la fermeture du canal artériel) est associée à une diminution des lésions cérébrales, hémorragiques ou de la substance blanche, mais que le pronostic neuro-développemental n’est pas pour autant bien meilleur.
L’oxyde nitrique inhalé donne des résultats difficiles à interpréter, et il coûte cher.
En dépit d’un effet préventif démontré dans plusieurs modèles animaux, l’érythropoïétine recombinante ne fait pas diminuer le taux de séquelles neuro-développementales chez les GP qui en reçoivent dans le but de diminuer les besoins transfusionnels. Mais peut-être l’effet est-il dose-dépendant.
Protéger le cerveau et prévenir les troubles neuro-développementaux des GP reste donc un défi. Il paraît peu vraisemblable qu’une molécule unique puisse à elle seule modifier la survenue de ces troubles.
Dr Jean-Marc Retbi