Ni héros, ni zéro

Québec, le samedi 12 mars 2016 – Il fallait un coupable. Un visage à mettre sur l’origine du mal. Ce fut Gaëtan Dugas. Au tout début des années quatre-vingt, alors qu’un mal mystérieux semble dévaster la communauté homosexuelle, les Centres de contrôle des maladies (CDC) américains conduisent des recherches actives. Parmi leurs objectifs, établir une chronologie de l’émergence de la maladie. Ils déterminent alors que Gaëtan Dugas, un steward québécois a eu des relations sexuelles avec une quarantaine des 248 personnes infectées par le virus avant 1982. Dès lors, un mythe se construit autour de Gaëtan Dugas, auquel contribue notamment le livre de Randy Shilts. Dans les journaux qui évoquent l’essai, Gaëtan Dugas (mort en mars 1984 à l’âge de 31 ans) est clairement présenté comme « l’homme qui nous a donné le Sida » selon un titre affiché à l’époque par le New York Post. Outre la présentation du jeune homme comme le premier maillon  de la terrible épidémie, l’inconscience du steward américain qui n’aurait nullement changé son mode de vie après la découverte de sa séropositivité est décriée. Il est perçu comme le symbole d’une communauté homosexuelle responsable de la maladie qui la frappe, en raison de son inconscience.

La biologie moléculaire contre les légendes

Tandis que le combat des homosexuels touchés par le Sida a contribué à transformer les regards sur les patients et sur la maladie, les progrès scientifiques ont également peu à peu mis à mal le mythe du "patient zéro". Il a notamment été rapidement découvert que l’origine de la maladie n’était pas Américaine, mais Africaine. Puis, concernant le début de l’épidémie aux Etats-Unis, il apparut qu’elle était antérieure au début des années quatre-vingt. Voilà qui disculpait Gaëtan Dugas. Cependant, en raison des essais, reportages et films consacrés à son parcours, la légende demeurait tenace.

Des travaux présentés lors de la récente Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections (CROI) à Boston offrent les dernières pièces du puzzle. L’équipe de Michael Worobey, biologiste moléculaire à l’université d’Arizona à Tucson a reposé ses concluions sur le séquençage de souches virales prélevées en 1978 et 1979 à San Francisco et à New York. La comparaison avec le virus ayant infecté Gaëtan Dugas permet de confirmer qu’il ne fut pas le patient zéro. Alors que l’épidémie américaine a d’abord débuté à New York avant de toucher San Francisco, « dans l’arbre phylogénétique des premiers isolats viraux américains, le génome viral de Gaëtan Dugas se situe entre les deux. Le génome du VIH qu’il hébergeait est proche de celui de souches virales qui circulaient à Haïti, où il s’était rendu en 1977 » explique Michaël Worobey.

Léa Crébat

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