Dès la découverte des fractions lipidiques et les premières observations du rôle joué par le cholestérol dans la pathologie coronarienne, les travaux de recherche pharmacologique se sont orientés vers l’étude de substances potentiellement hypocholestérolémiantes. Pour contrer l’athérosclérose expérimentale du lapin, un chercheur a eu l’idée novatrice (en 1955) de stimuler l’oxydation tissulaire et a testé de fortes doses d’un coenzyme d’oxydoréduction de la chaîne respiratoire, l’acide nicotinique ou niacine (vitamine B3), d’abord chez l’animal, puis chez l’homme.
La suite de l’histoire de la niacine a été marquée par la mise en évidence de sa capacité à inhiber la lipolyse dans le tissu adipeux suivie d’une diminution des taux plasmatiques d’acides gras libres. Cette propriété expliquerait au moins en partie l’action de la molécule sur les concentrations plasmatiques de triglycérides, LDL et HDL cholestérol.
Un tournant crucial s’est produit en 2003, avec l’identification d’un récepteur membranaire de l’acide nicotinique fortement exprimé dans le tissu adipeux. Cette découverte apporte de nouveaux espoirs dans le traitement des dyslipidémies.
Parallèlement à ces découvertes dans le domaine pharmacologique, l’effet clinique de la niacine sur les manifestations de l’athérosclérose a été étudié aux Etats-Unis comme en Europe. En 1977, l’étude CDP (Coronary Drug Project) a montré qu’elle entraînait une diminution significative des infarctus du myocarde non létaux, et après 15 ans de suivi une baisse significative de 11 % de la mortalité totale par rapport au groupe placebo. Dans l’étude SIHDS (Stockholm Ischaemic Heart Disease Secondary Prevention Study) publiée en 1988, l’association clofibrate-niacine contre placebo a permis une baisse de la mortalité globale de 26 % chez des patients traités après un infarctus du myocarde. Enfin, une étude chez 160 patients coronariens (HATS) a permis de visualiser une régression de 0,4 % de la sténose coronaire sous simvastatine-niacine contre une progression de 3,9 % sous placebo.
En dépit de son bénéfice clinique potentiel, la niacine est demeurée sous-utilisée et son association avec une molécule capable de diminuer les flushes qu’elle induit, et donc d’améliorer l’observance, devrait permettre de la prescrire plus largement.
Dr Odile Biechler