L’imatinib mésylate représente un progrès sans précédent dans la
leucémie myéloïde chronique (LMC) en termes de survie. De plus, le
recul en termes de tolérance et d’effets indésirables est
important. Ce recul est en effet désormais de 72 mois chez les
patients toujours inclus dans l’essai IRIS qui teste l’imatinib à
400 mg/j face à l’association interféron + aracytine chez les
patients en première ligne.
Il existe cependant des résistances et des intolérances à
l’imatinib. Mais soulignons qu’en évoquant le passage aux
inhibiteurs de tyrosine kinase de 2nde génération, l’un des
messages du Dr F. Giles était « don’t switch too early » ! Cette
prudence est basée sur le fait que même si les inhibiteurs de
bcr-abl sont des thérapies ciblées, il ne faut pas croire que
l’oncoprotéine soit la seule cible. Fabian et coll. en 2005 (Nature
Biotechnology) identifiait déjà au moins 4 cibles pour l’imatinib,
4 cibles pour le nilotinib et 15 cibles pour le dasatinib. Si
certaines cibles non bcr-abl peuvent avoir leur utilité dans le
contrôle de la maladie, d’autres peuvent être source d’événements
indésirables non anticipés.
Comme mentionné dans la présentation du Dr FX. Mahon : « De
l’imatinib au nilotinib », le nilotinib a été conçu pour inhiber de
façon plus sélective et puissante bcr-abl et pour combattre les
résistances à l’imatinib parmi lesquelles l’insuffisance
d’inhibition de bcr-abl, les problèmes d’influx/efflux cellulaires
et les mutations. Le nilotinib est une molécule très lipophile dont
la pharmacocinétique est très différente de celle de
l’imatinib.
En particulier, les études de phase I ont montré que l’absorption du nilotinib était augmentée par les prises alimentaires et que son administration en 2 prises quotidiennes était préférable. Par ailleurs, il faut souligner que si les doses de 400 mgx2/j ont été utilisées dans les essais cliniques, des augmentations de doses sont toutefois encore possibles.
La tolérance clinique du nilotinib est favorable. Sur le plan biologique, on peut noter la survenue d’ hyperlipasémies souvent précoces et rarement accompagnées de pancréatites, des hyperbilirubinémies libres sans conséquences révélant souvent une maladie de Gilbert, des perturbations du bilan phosphocalcique (non spécifiques du nilotinib) et des hyperglycémies. Le profil de tolérance du nilotinib est détaillé dans la communication du Dr Franck Nicolini, investigateur coordonnateur de l’essai ENACT : « Quelle tolérance pour le nilotinib ? »
Dans les essais cliniques testant le nilotinib à 400 mgx2/j dans les phases chroniques ou accélérées de LMC résistantes ou intolérantes à l’imatinib, les doses réellement administrées se sont avérées très proches de la dose théoriquement prévue. Le Dr F. Giles a terminé sa présentation en réitérant son message de prudence : « oui aux inhibiteurs de tyrosine kinase de 2ème génération lorsque leur besoin est clair mais pas de précipitation inappropriée car l’on ne dispose d’aucun recul sur leur toxicité à long terme. »
Selon le Dr F. Giles, les profils de toxicité du dasatinib et du nilotinib devraient dicter le choix entre ces 2 molécules, outre leur efficacité. Rappelons que le dasatinib est contre-indiqué en cas d’atteinte pulmonaire préalable, d’antécédents d’hémorragie gastro-intestinale importante, et de pathologie auto-immune et le nilotinib en cas d’antécédent de pancréatite, et attention aux allongements de l’espace QT…
Dr Delphine Rea