Nous sommes tous des télédermatologues !

Monsieur Jourdain était prosateur, vous êtes télédermatologue. Qui d’entre nous n’a pas reçu sur son smartphone une photographie de lésion d’un parent, d’un ami, d’un confrère, demandant un avis ? Et qui d’entre nous n’a pas constaté que cet avis, donné à partir d’une photographie de bonne qualité que l’on peut en outre agrandir et répéter, était à la fois compétent, bien documenté et précieux, épargnant des inquiétudes, des voyages, des attentes, des dépenses, des complications. Bref, vous êtes convaincu que la télédermatologie n’est que le très logique prolongement de la dermatologie, à l’époque où tout le monde peut « téléphoner des photos », ce qui est, il faut bien le dire, extraordinaire.

Mais tout n’est pas si simple !

Dans sa conférence plénière à la réunion de l’AAD à Orlando, le Dr Carrie Kovarik a passé en revue les aspects actuels, et changeants, de la télémédecine et de la télédermatologie. Pour elle, la télémédecine, c’est l’avenir. D’ailleurs, les associations professionnelles comme l’AAD ont déjà mis au point des modules d’apprentissage complets, à la fois pour les résidents (Internes) et pour les médecins installés qui débutent une pratique de télédermatologues. Une implication forte des organisations professionnelles, des universitaires, des Ordres, est effectivement nécessaire, car la télédermatologie comme la langue d’Esope, peut être à la fois la pire et la meilleure des choses.

La mauvaise télédermatologie

La mauvaise télédermatologie, ce sont les centaines de sites ou de plateformes qui proposent des diagnostics et des traitements sans aucune garantie pour des sommes inférieures à une consultation de spécialiste (nous sommes aux USA et ces consultations sont chères et peu accessibles !). Vous avez de l’acné, ou vous croyez avoir de l’acné, on vous propose un questionnaire pour s’en assurer et on vous envoie une ordonnance. Ici, pas besoin de dermatologue. Vous avez une tache noire ? Envoyez-nous une photo, on vous dira ce que c’est, avec une bonne probabilité. Vous craignez d’avoir le sida ? Envoyez-nous un prélèvement de salive. Vous craignez d’avoir la syphilis ? Envoyez-nous une photo.

La vraie télédermatologie

Mais bien sûr, la télédermatologie, bien organisée, bien pratiquée, bien contrôlée, c’est la meilleure des choses. Elle permet l’accès à des diagnostics et à des soins spécialisés pour des populations qui en sont dépourvues : ruraux éloignés des centres médicaux, urbains pauvres, populations confrontées, comme partout dans le monde, à un manque de médecins. Elle permet aux services d’urgence d’avoir des avis dermatologiques, alors qu’il n’y a jamais de dermatologue dans les services d’urgence, si sollicités. Une consultation télédermatologique, cela a été largement démontré, constitue un « triage » efficace, pour rassurer les patients qui n’ont « rien » (une verrue séborrhéique) et envoyer rapidement au spécialiste ceux qui le justifient (suspicion de mélanome).

Les dermatologues doivent donc s’emparer de la télédermatologie et l’exercer professionnellement, du point de vue technique, et du point de vue éthique.  

Sans oublier que, prochainement, des logiciels éduqués par les techniques de l’intelligence artificielle sauront faire les diagnostics au moins aussi bien qu’eux ! On en reparlera.

Dr Daniel Wallach

Références
American Academy of Dermatology annual meeting (Orlando): 3-7 mars 2017.

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