On est foutu, on publie trop !

Paris, le samedi 11 avril 2015 – Etre cité est un gage de notoriété. Le mécanisme s’est vérifié de tout temps. Le monde moderne a érigé ce principe en système : le nombre de citation d’un article scientifique est désormais scrupuleusement quantifié et à la base du calcul de "l’impact factor"  des revues qui accueillent ces publications. Ainsi, désormais, pour espérer voir leur carrière couronnée de succès les scientifiques se doivent de publier dans les revues les plus fréquemment citées, dans l’espoir que leurs articles comptent à leur tour parmi ceux les plus souvent référencés. Mais de tout temps aussi, la perversité de la citation a été observée. Car être cité, même souvent, même beaucoup, n’est pas nécessairement une preuve de pertinence. Et la course à la citation peut faire perdre de vue ce qui devrait être l’objet d’une attention privilégiée : le cœur de la citation.

Un système contre productif

De nombreux scientifiques se sont ces dernières années exprimés sur le caractère pervers du système des "impact factor ". Il y a un an, une étude signée par Arturo Casadevall, du Collège de médecine Albert Einstein à New York fustigeait par exemple les dérives du fonctionnement actuel de la recherche. « Les scientifiques associent la valeur de leurs recherches au journal au sein duquel ce travail est publié, plutôt que dans le contenu même de ce travail. Cette folie cause des distorsions profondes dans la manière dont se pratique la science ». Il jugeait encore : « Exiger des scientifiques qu’ils mènent des recherches avec un haut facteur d’impact crée un biais fort : cela les décourage de faire des recherches très risquées et cela réduit les chances de découvertes ».

Obsolescence de la science

Aujourd’hui, des chercheurs finnois et américains aboutissent à des conclusions similaires, en s’intéressant à une autre conséquence de la course à la citation : la multiplication des publications. Dans une étude publiée sur le portail arXiv, prenant en compte des millions d’articles scientifiques, ils constatent que le pic de citations d’un article est aujourd’hui atteint de plus en plus vite. Traduction : les publications sont de plus en plus rapidement oubliées. Cette obsolescence de la science ne manque pas d’inquiéter, car elle suggère l’existence de plusieurs risques : celui de ne pas retenir des découvertes importantes et celui de voir mis en avant des travaux peu intéressants.

N’être jamais cité : la pire sanction pour un scientifique

Au-delà de ces commentaires, de la diffusion en 2012 de la "Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche" appelant à lutter contre l’utilisation de l’impact factor, quelques chiffres publiés dans le rapport STM 2015, cité (!) sur son blog par le docteur Maisonneuve permettent de se faire une idée de la course effrénée et presque absurde à la publication et à la citation. Aujourd’hui, les 28 000 revues scientifiques publient 2,5 millions d’articles par an. Ces derniers sont l’objet de citations en croissance constante et plus importante que le nombre de publications. On estime que 15 % des articles entraînent la moitié des publications et que 90 % des citations sont issues de 50 % des articles, ce qui fait observer à Hervé Maisonneuve que la moitié des articles ne sont jamais cités !

Aurélie Haroche

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