Comment utiliser au mieux ces données en gériatrie ?
Prévenir et prendre en charge les toxicités spécifiques ou non
Plusieurs toxicités sont spécifiques à l’âge. Elles sont
d’autant plus redoutables que la pharmacocinétique et la
pharmacodynamique des produits injectés change chez le patient âgé
en cas de densification de dose. Certains tests simples, tels que
le CRASH score ou le score CARG (Cancer Aging Research Group
score) (1) permettent de prévoir le risque de toxicité et
devraient être utilisés systématiquement lorsqu’on envisage une
chimiothérapie chez les personnes âgées. Ces tests incluent une
évaluation fonctionnelle des patients, de leurs comorbidités, le
risque de chute, la présence d’une dépression, l’évaluation de la
cognition et l’état nutritionnel.
Plus le score CARG est élevé, plus la fréquence des toxicités
augmente (elle passe de 37 % aux scores les plus bas à 70 % pour
les scores les plus élevés).
Quoi qu’il en soit, la cardiotoxicité est l’une des principales toxicités rencontrées en oncologie gériatrique, notamment parce que l’incidence des coronaropathies, des valvulopathies et des insuffisances cardiaques augmente avec l’âge. Il est donc important le cas échéant de prolonger la durée de l’infusion pour en minimiser l’impact et d’utiliser les anthracyclines liposomales lorsque cette classe est nécessaire. En cas de dysfonction cardiaque, la prescription d’un IEC (ou d’un sartan) et/ou d’un bêtabloquant est recommandée avant une chimiothérapie cardiotoxique.
La cognition est un autre domaine qui mérite l’attention car
toute perte de cognition entraîne une perte d’adhérence (parfois
vers l’excès), adhérence qui sera vérifiée par tous les moyens
utilisables, y compris électroniques. Le MMAS-8 est un outil utile
pour dépister ces problèmes cognitifs.
Par ailleurs, il n’est pas rare de rencontrer des
extravasations chez les patients âgés, les plus fréquentes se
rencontrant avec les alcaloïdes de la vincamine et les
anthracyclines, liées notamment à la fragilité des veines. Le site
de canulation est donc important à déterminer avant traitement,
l’avant-bras étant le site le plus favorable.
Une attention toute particulière y sera attribuée en cas de
troubles cognitifs car, du fait d’une perte de sensibilité, ces
patients ne ressentent pas toujours les effets de
l’extravasation.
Il en est de même pour les nausées et les vomissements qui entraînent des troubles nutritionnels parfois majeurs et qui se traitent de la même manière que dans la population générale. L’ASCO conseille cependant d’y ajouter l’olanzapine à la dose de 10mg.
Enfin, s’il faut être attentif aux polymédications et ne pas hésiter à arrêter certains traitements moins utiles dans l’aigu (les statines par exemple), il faut garder à l’œil la fonction rénale, altérée par le perte de glomérules qui conduit à une réduction de la perfusion et de la capacité de concentration. La créatininémie n’est pas un bon indice de cette fonction car la masse musculaire est fortement réduite chez la personne âgée. On lui préférera l’estimation aMDRD. L’hydratation sera surveillée de près et le choix des traitements oncologiques sera effectué en fonction de leur (absence de) néphrotoxicité.
Enfin, la neurotoxicité, du fait du risque de chutes, de
maladresses dans les gestes de tous les jours sera débusquée avec
attention.
En résumé
Dr Dominique-Jean Bouilliez