
Paris, le samedi 24 juin 2023 - Les plans « maladies rares » qui se sont succédé ces 20 dernières années ont contribué à de grandes avancées, notamment en ce qui concerne l’organisation et la structuration de la prise en charge. La France s’est en effet dotée d’un solide maillage de centres de référence et de centres experts qui couvrent un grand nombre de pathologies. Les maladies rares ont également gagné en visibilité. Cependant, parmi les enjeux prioritaires déterminés dès le premier plan maladie rare, la diminution de l’errance thérapeutique n’a pas encore atteint un niveau suffisant pour constater une réelle amélioration, bien qu’elle ait figuré par exemple comme un axe phare du dernier plan en date. Il faut dire que les causes de cette errance sont multiples et peuvent varier d’une pathologie à l’autre. Néanmoins, pour la coordinatrice du réseau Orphanet le docteur Anna Rath (directrice de l’unité Inserm US 14), ainsi que pour la présidente d’Alliance Maladies Rares et de Maladies Rares Infos Services l’un des leviers serait de faire progresser « le réflexe du doute » chez les médecins.
Vertige
« Et si c’était une maladie rare ? » pourraient ainsi se demander plus souvent les praticiens face à des symptômes persistants chez un patient, symptômes apparemment non expliqués par une étiologie « courante ». Bien sûr, les médecins savent que les maladies rares ne sont pas si rares puisqu’elles concernent trois millions de personnes en France. La conscience de cette multiplicité peut néanmoins entrainer une forme de frein : quelle maladie rare pourrait être suspectée ? Comment les connaître toutes ? La question bien sûr suscite le vertige, vertige d’autant plus difficile à assumer que l’on est médecin.
Simplicité
Et voilà qu’en quelques clics, le doute n’est plus
paralysant mais peut se transformer en piste. L’application RDK
(pour Rare Disease Knowledge) présentée cette semaine par la
société Tekkare à l’origine de son développement et le réseau
Orphanet propose en toute simplicité de renseigner dans son moteur
de recherche des symptômes. Le caractère unique de RDK est de se
baser sur l’une des plus solides et importantes bases de données
sur les maladies rares du monde (cinq millions de données) :
Orphanet. Les porteurs du projet scellent ainsi un partenariat
public/privé décrit comme une évidence par eux. Bien sûr les
médecins sont très nombreux à connaître cette émanation de l’Inserm
qui fait référence en matière de description et de recensement des
maladies rares. Mais s’ils consultent le site c’est pour trouver
des informations sur une maladie déjà identifiée : l’outil ne se
prête pas à la recherche diagnostique. RDK vient répondre à ce
manque. Or, comme l’a rappelé à plusieurs reprises,
Bruno Sarfati,
fondateur et président de Tekkare, ce qui fait la
force de RDK c’est sa simplicité (simplicité fruit de deux ans et
demi de travail). La démonstration est en effet frappante, après
avoir éliminé des étiologies fréquentes il suffit d’entrer trois
symptômes (toux, douleur abdominale et hématurie) pour que
l’application suggère comme étiologie possible, la
lymphangioléiomyomatose et propose un contact direct avec un centre
expert. Même si le système a été testé par un groupe de
médecins, des évaluations plus larges seront nécessaires pour
confirmer la pertinence de l’application (et notamment confirmer
que le choix des symptômes ne donne pas trop souvent lieu à une
sélection trop large de réponses).
Gratuité
Totalement gratuite et accessible à tous (même si elle n’a
pas vocation à devenir un logiciel d’auto-diagnostic), RDK, qui ne
procède à aucune collecte des données, RDK est un outil qui était
très attendu par l’Alliance maladies rares, dont la présidente a
décrit le calvaire des patients et de leurs familles. Portée par
une société à « mission » baptisée As we know, dont l’un
des objectifs est de mettre les nouvelles technologies au service
des professionnels de santé pour une meilleure transmission de
l’information, elle devrait prochainement s’enrichir de nouveaux
contenus toujours validés avec Orphanet comme les études cliniques
en cours ou les fiches d’urgences. Des versions en langues
étrangères pourraient également rapidement voir le jour. Pour
réaliser ces différents objectifs, des partenariats seront
nécessaires : aujourd’hui, Tekkare compte deux sponsors Pfizer
et Amylyx, tandis que 1 % des « retombées » tirées de
l’application seront reversés à une association contre les maladies
rares (pour l’heure une organisation dédiée à la maladie de
Huntington).
Aurélie Haroche