Où la surinformation rime avec dépression

Avec la COVID-19, on a dit (à la suite du directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé)[1] qu’un autre fléau s’est abattu simultanément sur la planète, « l’infodémie », c’est-à-dire une vague de surinformations, souvent fallacieuses, sur l’actuelle pandémie. Mais même la quête d’informations authentiques sur des médias sérieux démêlant les vraies infos des « intox », suscite un risque d’effet anxiogène sur un public vulnérable, par exemple les femmes enceintes s’inquiétant de l’incidence possible du coronavirus sur leur future progéniture.

Dans ce contexte, une étude réalisée à l’Université du Québec (Canada) évalue l’association entre l’utilisation des médias d’information durant la pandémie de Covid-19 et « l’ampleur de la détresse psychologique chez les femmes enceintes. » Pour cette recherche, les auteurs ont recruté par l’intermédiaire des réseaux sociaux Facebook et Instagram – du 02 au 13 avril 2020, alors qu’un état d’urgence sanitaire prévalait au Québec – 1 014 femmes enceintes habitant dans cette province. Les participantes ont été réparties en quatre groupes, selon l’intensité de leur « consommation » d’informations sur la pandémie : « peu ou pas » de consultation des médias d’information, « une seule fois par jour », deux ou « plusieurs fois par jour », ou consultation « constante », en se branchant sur un canal d’information en continu.

Dangers d’une exposition in utero

Les critères évalués par des questionnaires concernent en particulier « les symptômes dépressifs, les affects négatifs, les symptômes de stress post-traumatique et l’anxiété », appréciés de façon globale par un « facteur de détresse psychologique. » L’analyse statistique des données comporte notamment une Ancova (analyse de la covariance)[2] contrôlant l’âge de la femme, celui de sa grossesse, le niveau socio-économique et les antécédents psychiatriques éventuels.

Les auteurs constatent que l’intensité de l’exposition aux médias d’information est significativement associée à la sévérité de la détresse psychologique chez les femmes enceintes lors de la pandémie de Covid-19. Et des taux plus importants de détresse psychologique s’observent quand l’exposition aux médias d’information dépasse une fois par jour. Dans la mesure où l’on connaît les effets délétères de la détresse maternelle sur le développement du fœtus, on peut redouter les conséquences néfastes pour le futur enfant de cette forme d’« intoxication » in utero par une surinformation maternelle, même véridique, quand elle se révèle trop anxiogène. Les auteurs estiment que cette étude apporte un « appui empirique » aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé, du gouvernement du Canada et de l’Association des psychiatres du Québec pour limiter le temps d’exposition aux médias d’information, surtout chez les femmes enceintes car celles-ci, même « non considérées jusqu’à présent comme une population vulnérable face à la Covid-19, seraient particulièrement affectées par cette pandémie en ce qui concerne la santé mentale. »

[1] https://fr.wiktionary.org/wiki/infodemie & http://www.education-aux-medias.ac-versailles.fr/l-infodemie-des-rumeurs-qui-ne-connaissent-pas-de-frontieres
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_de_covariance & https://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_de_la_variance

Dr Alain Cohen

Références
Lemieux R et coll.: Association between news media consulting frequency and psychological distress in pregnant women during the COVID-19 pandemic. Canadian J. Psy ; Publication avancée en ligne, le 21-10-2020.

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