PAEOPATHOLOGIE DU SQUELETTE HUMAIN

Paléopathologie du squelette humain

Je souhaite à tous nos lecteurs d'avoir à se pencher un jour sur quelques fragments osseux venus des temps anciens. Cependant, le moment d'émotion passé, les choses se compliquent fâcheusement. D'où l'intérêt du livre de Jean Dastugue et Véronique Gervais sur "la paléopathologie du squelette humain" conçu avant tout comme une aide à une démarche scientifique fructueuse.

Les renseignements cliniques tirés du seul examen du squelette sont, à tout prendre, assez pauvres et nécessitent de la part de l'observateur une prudence toute particulière.

En effet, la paléopathologie fait essentiellement appel à la vue et la démarche est exactement celle du médecin au lit d'un malade : l'examen méthodique des os ou de la pièce osseuse se doit d'être guidé par l'esprit clinique. Cependant, la tentation est grande de raisonner comme on le fait en médecine : tout ce qui n'est point normal est pathologique. Or, il s'agit en fait d'une notion subjective qui n'a pas lieu d'être ici : ce qui est en dehors de la norme n'est pas obligatoirement pathologique.

Ainsi, s'il est des altérations osseuses pathognomoniques (séquelles d'un mal de Pott par exemple), d'autres sont d'interprétation plus délicate, comme la cervicarthrose de l'homme de la Chapelle aux Saints ; car on sait bien, chez nos contemporains, que des lésions de ce type peuvent être muettes sur le plan clinique. Un raisonnement identique peut être tenu en ce qui concerne les enthésopathies actuellement si à la mode.

De véritables maladies professionnelles

Mais les renseignements ainsi obtenus ne se limitent pas à la simple connaissance des maladies. Si les arthroses périphériques sont peu fréquentes chez les hommes de la préhistoire, vraisemblablement en raison de la brièveté de la vie, elles paraissent d'une grande banalité à tous les étages du rachis. Le mécanisme en est possiblement l'hypercyphose de la position assise. On a ainsi mis en évidence l'existence de "blocs-sièges", véritables postes de travail en position assise pour tailler l'outillage lithique.

D'autres exemples de "maladies professionnelles" ont pu être retrouvés. Dans l'une des chambres sépulcrales du site de Guadalupe (Mexique) appartenant à la période "classique ancien" (300/600 de notre ère), 24 crânes ont été mis à jour : cinq d'entre eux étaient porteurs d'exostoses auriculaires. Cette pathologie suppose non
seulement l'existence d'un lac dans cette région actuellement semi-aride, mais encore des immersions fréquentes, régulières et prolongées, caractérisant manifestement une activité utilitaire "professionnelle".

La guerre du feu n'a pas eu lieu

La paléopathologie nous apprend également que l'homme préhistorique, à la massue si chère à l'imagerie populaire, ne semble pas s'être attaqué au crâne de ses contemporains : la guerre du feu n'a pas eu lieu ! Il n'a en effet été mis en évidence qu'un nombreinfime de traumatismes sévères dont on découvre les séquelles non seulement sur les crânes, mais sur l'ensemble des grands os longs (avant-bras mis à part). Quant aux blessures de flèches dont il existe de rarissimes exemples collectifs, il s'agit en règle de phénomènes individuels traduisant plus vraisemblablement... un accident de chasse.

Pour Jean Dastugue et Véronique Gervais, plus le genre Homo s'approche de ses origines préhominiennes, et moins il est affecté d'agressivité "intrinsèque", c'est-à-dire s'exerçant entre membres d'une même espèce. Ils citent à l'appui de leur opinion un auteur peu suspect de partialité scientifique, Nicolas Boileau-Despréaux :

«... Mais pourtant, sans lois et sans police,

Sans craindre archers, prévôts, ni suppôts de justice,

Voit-on les loups brigands, comme nous inhumains,

Pour détrousser les loups courir les grands chemins ?

L'ours a-t-il dans les bois la guerre avec les ours ?

Le vautour dans les airs fond-il sur les vautours ?»

Satire n°VII «Sur l'homme» (1667).

Flavien Oberlin

Dastugue J., Gervais V. : "Paléopathologie du squelette humain", Société nouvelle des Editions Boubée - Paris, 1992.

OERLIN FLAVIEN

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