Pas assez cher, mon fils

Boulogne-Billancourt, le samedi 17 mai 2014- Reprenant le célèbre dialogue d’une publicité que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, c’est ce qu’a dû murmurer l’émir qui est venu se faire opérer à l’hôpital Ambroise Paré, pour une somme plus que modique.

C’est à la dernière livraison du Canard enchaîné que l’on doit cette révélation. Un émir anonyme a en effet privatisé neuf chambres et une salle de détente de cet hôpital de l’assistance publique au tarif normal d’hospitalisation majoré de 30 % soit « la prestation qui s’applique habituellement aux patients non résidents » a expliqué la direction du centre hospitalier au « Canard ».

Ainsi du 8 au 13 mai, le service d’orthopédie du Professeur Hardy s’est transformé en hôtel de luxe avec vue sur l’hippodrome de Longchamp tandis qu’une garde rapprochée émiratie d’une trentaine de personnes se chargeait de faire le room service de l'émir et de sa suite, utilisant pour ce faire une partie du parking réservé au personnel hospitalier pour y garer six Mercedes nécessaire au confortable transport de l’aréopage.

Et ce n’est pas tout, sans doute toujours dans le cadre de « la prestation qui s’applique habituellement aux patients non résidents » l’arrivée princière avait préalablement été préparée par une équipe de techniciens et d’informaticiens chargés de câbler l’étage pour y mettre en place fax, téléphone, réseau internet, tandis que des plombiers installaient des jets d’eau dans les toilettes pour faciliter la pratique des ablutions rituelles.

Il y aurait également eu une infirmière et une aide soignante se relayant en permanence au chevet du malade…

L’AP-HP et l’émir Obolan

Contactée au sujet de ce « brancard en or pour un émir » (comme l’a appelé le Canard Enchaîné), l'AP-HP a confirmé, auprès de la rédaction du quotidien gratuit metronews notamment, que ce patient avait été accueilli à Ambroise Paré où il avait choisi de se faire opérer « compte tenu de la renommée du service et de la technique opératoire appliquée ». L'Assistance Publique ajoute que pour recevoir ce malade, le Pr Hardy, chef du service, a « demandé à sa direction de pouvoir y consacrer neuf lits » et qu'une « autorisation lui a été donnée » notamment du fait « des contraintes de sécurité ».

L'institution précise par ailleurs que « le week-end du 8 mai avait été choisi en raison de la baisse d’activité inhérente à ces longs week-ends » arguant que la fermeture de cette aile n'avait en aucun cas « pénalisé les autres patients ». Elle conteste par ailleurs qu'une quelconque infirmière ou aide-soignante ait été dédiée au patient ou la mobilisation d’informaticiens. Elle admet néanmoins que « des douchettes ont été raccordées aux 3 WC de l’étage conformément à la demande du patient » et justifie qu'il « s’agit d’un dispositif amovible qui a déjà été retiré depuis son départ ».

Et de conclure : « le mobilier demandé, essentiellement des chaises et un canapé, a été pris dans les réserves de l’hôpital. Avec l’accord du service médical, le patient a eu recours à un service de traiteur dans la mesure où l’hôpital ne pouvait pas fournir le niveau de qualité qu’il demandait. Quant aux véhicules de location haut de gamme stationnés dans l’hôpital, ils n'ont, eux, pas gêné les usagers ».
Tout va donc pour le mieux dans ce meilleur des mondes où il est demandé aux patients et aux médecins de n’utiliser le système de soins qu’avec « tact et mesure ». Neufs chambres pour le tact et six places de parking pour la mesure, sans doute.

L’histoire ne dit pas si le fils de l’émir s’appelle Abdallah et si il s’est plaint au jeune reporter à pantalon de golf ayant réalisé cette enquête : « Tu es méchant…Et je le dirai à mon père ! Et mon père est émir »…

Frédéric Haroche

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Vos réactions (7)

  • Les mots...

    Le 17 mai 2014

    ...parlent d'eux mêmes! Est il utile de rajouter quelque chose ! Honte à ceux qui plient le genou de cette façon.

    Françoise Sanquer

  • L'exemple de l'hôpital de Marbella

    Le 17 mai 2014

    C'est quand même une excellente publicité ? Non ?
    A Marbella, Espagne,le Roi d'Arabie disposait d'un étage de l'hôpital ...pour le cas ou...Il séjournait à Marbella tous les étés (dans son palais, copie de la maison blanche).Il avait payé la rénovation de l'hôpital pour y avoir sa suite ; et, l'économie locale a beaucoup perdu avec sa mort car il gênerait lors de ses séjours 300 emploies et 100 millions de dépenses/mois ....Donc, s'il paie, pourquoi s'en plaindre ?

    Gérard Crespeau

  • Oui il a eu du tact...!

    Le 17 mai 2014

    Oui sieur le journaliste (ou médecin!) : le Pr Hardy (chef du service) a eu beaucoup de tact : neuf chambres payées à 130% chacune du tarif normal, versés dans la trésorerie de l'hôpital. Depuis le temps qu'on se plaint du trou de la sécu, voilà au moins quelqu'un qui paye généreusement ce qu'il consomme.
    Ce qu'avait fait le Pr Hardy était un service rendu à l'état...en tout cas c'est plus intelligent que de colporter les paroles du canard enchainé dans un site scientifique.

    Mohamed Amine Haireche

  • L'argent obtenu sera bien employé

    Le 17 mai 2014

    C'est une bonne utilisation du service au cours du pont viaduc qui a dû pas mal vider l'hôpital et sans doute bien remplir ses finances. Cette clientèle est une chance pour la notoriété de l'APHP qui n'en a peut être pas besoin mais quand même. Je n'y trouve rien à redire et je pense que la plupart des CHU auraient fait de même s'ils en avaient eu l'opportunité, on ne saurait les en blâmer si on prend en compte la situation du pays et le tonneau des danaïdes des finances publiques et de la sécu. Nul n'en a souffert et j'espère que l'argent ainsi obtenu (on ne saura pas le chiffre mais je n'ai pas trop de doutes) sera bien employé.

    Pierre Fernet

  • La Santé n'est pas une marchandise !

    Le 17 mai 2014

    Le service "rendu à l'état" (ou au service public de santé dont il est à la fois le garant et le gestionnaire) est il de nature à favoriser l’accès aux soins pour le plus grand nombre ? A optimiser la qualité du service rendu ? A améliorer le confort des patients et des personnels soignants ? Ou à diminuer le reste à charge pour les populations précarisées ? Car telles sont, ne l'oublions pas, les missions du service public ... Je ne lis ici qu'une nouvelle tentative bien concrète de privatisation du service public, dans une dimension mercantile, hélas bien dans l'air du temps, où l’hôpital public "sous-traite" de plus en plus ses prestations...
    Il est bien temps de rappeler que la Santé n'est pas une marchandise !

    Dr Ph. Gasser, Praticien Hospitalier

  • Et les impayès ?

    Le 24 mai 2014

    Tout à fait d'accord pour rentabiliser les hôpitaux, et récupérer des sous là ou ils se trouvent. Mais j'avais cru comprendre que les sommes impayées et non récupérées étaient très importantes à l 'PHP... voir interview récente du grand patron. Qui ne fait pas son travail ?

    Dr Pierre-Henri Guillaud

  • 1921, raison d'Etat à Marrakech

    Le 24 mai 2014

    En 1921, le maréchal Lyautey, résident général au Maroc, alors sous protectorat français, est en difficulté. Il s'appuie sur des chefs locaux dont le Pacha de Marrakech qui lui est favorable et influent sur la population. Ce Caïd est atteint d'une tuberculose rénale grave.
    Un chirurgien parisien, le Dr Heiz-Boyer, inventeur du bistouri électrique est réquisitionné avec tout son personnel et son matériel pour aller opérer sur place. Sa compétence en hémostase fait qu'il offre, pour une néphrectomie, le plus de garanties de survie à ce précieux malade. Raison d'Etat!
    Le Glaoui, une fois guéri offre à son sauveur une magnifique et grande villa d'architecture marocaine. Elle est construite à Bénodet, près de Quimper. Elle est surnommée "Le Minaret" car sa tour est similaire à la Koutoubia à Marrakech. Ce sont des ouvriers marocains qui ont été envoyés , en djellabas, réaliser mosaïques et moucharabiehs.

    Dr Michel Beauge, Quimper
    refs: e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie, 2006

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