Voici une étude qui a servi de support à l’avis de L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) publié le 5 février 2013, et mettant en garde contre l’usage chez les nourrissons de « laits végétaux» et de laits animaux d’origine non bovine, en raison de carences nutritionnelles pouvant s’avérer graves. Rappelons que le nourrisson est particulièrement dépendant d’une alimentation adéquate lui permettant de couvrir ses besoins nutritionnels et d’assurer une croissance et un développement optimaux. Depuis quelques années, il existe une recrudescence de l’utilisation de « jus » végétaux en remplacement des préparations infantiles chez les jeunes nourrissons. Or, la composition de ces boissons végétales ne respecte pas la réglementation européenne car aucune des boissons identifiées ne porte la dénomination de vente « préparation pour nourrissons » ou « préparation de suite » et n’a donc à respecter les obligations spécifiques du texte de l’arrêté ministériel du 11 avril 2008. L’administration de ces produits est souvent motivée par un effet supposé néfaste du lait de vache (allergie, infections à répétition) ou par des « convictions personnelles ».
Le but de ce travail, présenté au JFHOD 2013, était d’évaluer les conséquences nutritionnelles de cette substitution inadaptée, par une analyse rétrospective recensant les nourrissons ayant reçu des boissons végétales avant l’âge de 1 an et ayant présenté des complications imputables à leur administration, en Ile de France entre 2008 et 2011.
Neuf cas de nourrissons âgés de 4 à 14 mois ont été observés. Quatre d’entre eux étaient âgés de 6 mois ou moins et recevaient une boisson végétale de façon quasi-exclusive depuis 1 à 3 mois au moment de la prise en charge.
L’abandon des préparations infantiles et l’administration de
boissons végétales étaient justifiées par une allergie supposée aux
protéines de lait de vache (4 cas) ou par des troubles digestifs
mineurs (5 cas).
Les boissons incriminées étaient des jus de châtaignes (2 cas),
d’amande (1 cas), de riz (3 cas) et de soja (1 cas), donnés parfois
en association (2 cas).
Les symptômes d’appel étaient un arrêt de la croissance pondérale
par carence d’apport protéino-calorique (n = 5), une dénutrition
protéino-calorique majeure avec œdèmes et hypoalbuminémie profonde
(n =3) et un état de mal convulsif sur hypocalcémie majeure (n =
1).
Par ailleurs, parmi ces 9 nourrissons, 5 avaient une anémie ferriprive sévère, et un avait une hypovitaminose D, une hypocalcémie et une hyponatrémie importantes.
Les auteurs de cette étude concluent que l’administration de boissons végétales en remplacement des préparations infantiles expose à un risque de carences nutritionnelles pouvant être responsables de complications graves.
Les répercussions sont d’autant plus sévères que la consommation est précoce, exclusive ou prolongée.
L’avis de l’Anses mentionnait les résultats d’une seconde étude (Foureau et coll., 2012) ayant rapporté 4 cas de nourrissons âgés de 2 à 14 mois, alimentés depuis 3 semaines à 2 mois par des boissons à base de riz, de soja ou de châtaigne, de façon exclusive dans 3 cas sur 4.
Les symptômes d’appel ont été un syndrome de kwashiorkor avec hypoalbuminémie à 7 g/L ; une détresse respiratoire liée à une alcalose métabolique ; un état de mal convulsif lié à une acidose hyponatrémique (l’enfant est décédé à la suite des séquelles de cet accident) ; et une anémie carentielle mixte (fer et vitamine B 12).
Des mesures de santé publique sont nécessaires pour endiguer l’utilisation de ces produits chez le nourrisson.
Pr Marc Bardou