Une étude du New England Journal of Medicine se penche sur les problèmes dermatologiques du SIDA.
Rien de stupéfiant dans ses conclusions, qui ont toutefois le mérite de préciser l'importance épidémiologique du problème.
En effet, les 684 sujets infectés par le VIH qui font l'objet de ce travail appartiennent à une population qui bénéficie d'un système de prise en charge globale, à l'intérieur duquel on peut recenser toutes leurs consultations, leurs hospitalisations et leurs achats de médicaments.
Le suivi a duré 34 mois, les 1593 personnes X années se répartissant de la façon suivante : 445 avant la découverte de la séropositivité, 799 séropositifs, 349 SIDA.
Quatre-vingt pour cent des patients ont eu au moins une dermatose au cours de cette période et souvent plusieurs, puisque 2 881 diagnostics en tout ont été portés.
L'incidence augmente avec la progression de la maladie : 1 diagnostic par an avant la séropositivité, 1,2 chez les séropositifs, 1,9 diagnostic par an chez les sidéens.
Quarante-trois hospitalisations ont été nécessaires, pour infection (15 cellulites, 4 zonas, 4 abcès) /ou toxidermie (13 dont un érythème polymorphe majeur).
Hit-parade des toxidermies
Sur les 125 patients victimes de toxidermies, 87 (70%) n'ont fait qu'un seul accident, mais 21 en ont fait deux, 10 en ont fait 3, 6 en ont fait 4 et un seul a cumulé 5 réactions d'hypersensibilité médicamenteuse successives. Ces accidents sont plus probables (l chance sur 4) chez les sujets signalant des antécédents de toxidermies que sur l'ensemble du groupe (l chance sur 6). Il s'agit presque toujours d'éruptions morbilliformes ou urticariennes. On relève seulement 2 prurits isolés, 1 vascularite, 1 érythème polymorphe majeur, 1 érythrodermie et 1 photodermatose. Onze cas seulement ont été jugés sévères et 5 menaçant le pronostic vital. Treize patients ont dû être hospitalisés, pour 7 jours en moyenne.
Pour 161 éruptions sur 188, on incrimine une drogue unique et dans 22 cas deux drogues associées (souvent triméthoprime et dapsone). Il n'y a pas d'association particulière entre une drogue donnée et un type particulier d'éruption ou une sévérité plus ou moins grande. Aucun rechallenge n'a provoqué de réaction grave.
Pour 1 000 traitements prescrits, le risque d'éruption cutanée est de 200 pour 1a sulfadiazine, 159 pour le triméthoprime seul ou avec la dapsone, 149 pour triméthoprime-sulfaméthoxazole, 93 pour les amino-pénicillines. Le risque se situe entre 20 et 40 (pour 1 000 traitements) pour les autres pénicillines, pour les associations pénicilline + inhibiteur des bêta lactamases, pour les céphalosporines, la dapsone, les anticonvulsivants, les quinolones ou le kétoconazole. Il est de 18 pour la clindamycine (avec ou sans primaquine), 12 pour les cyclines, l0 pour la pentamidine, 9 pour les AINS, 6 pour l'érythromycine et 3 pour l'AZT.
On retrouve la notion de plus grande fréquence des toxidermies dans l'infection par le VIH, mais les éruptions s'avèrent rarement graves.
Pour des drogues également prescrites dans la population générale comme le TMP-SMT ou les amino-pénicillines, le risque de toxidermie apparaît multiplié par 10 au cours du SIDA.
Cette différence n'est apparemment pas expliquée par la fréquence plus grande des infections a CMV ou EBV. Le risque paraît augmenter avec le degré d'immuno-suppression, mais n'a pas été corrélé au taux de CD4 dans cette étude.
Autres dermatoses
Les autres dermatoses ont également tendance à devenir plus fréquentes au fil de l'évolution de la maladie. Il en est ainsi de l'eczéma séborrhéique, des viroses du groupe herpès, des molluscum contagiosum, des candidoses, des infections superficielles et profondes à pyogènes, du prurit et de la xérose. Le sarcome de Kaposi, quasi absent avant le stade SIDA motive ensuite 153 consultations pour 1 000 personnes x années. Cela n'est pas explicité, mais le diagnostic de SK faisait probablement passer ipso facto le patient dans la catégorie des cas de SIDA avérés.
L'aphtose et le psoriasis connaissent également une augmentation progressive d'incidence, ainsi que les verrues séborrhéiques, que peu d'auteurs avaient jusqu'alors osé publier comme énième dermatose associée au VIH. Certaines infections stagnent ou diminuent avec l'évolution : la gale (faute de contacts ?), les dermatophytes et les verrues (les patients se lassant peut-être de consulter sans résultat). Malgré les publications signalant la multiplication des nævus pigmentaires atypiques chez les sidéens, le nombre des consultations pour NP n'augmente pas en fin d'évolution. Enfin, les dermatoses banales comme acné, urticaire non médicamenteuse ou kystes épidermiques font l'objet d'une désaffection progressive de la part du patient.
Coopman S.A. et coll. : "Cutaneous disease and drug reaction in HIV infections". N. Engl. J. Med., 1993 ; 328 : 1670-1674.
François Blanc