Peu de regret chez les patients transgenres opérés

Détroit, le vendredi 11 août 2023 – Selon une étude de l’université du Michigan, les personnes transgenres ayant effectué une opération de changement de sexe regrettent rarement leurs choix.

La question de la prise en charge des personnes transgenres et notamment des adolescents est devenu une question de société importante, surtout aux Etats-Unis, où elle est devenue l’un des enjeux de la bataille culturelle que se mènent démocrates et républicains. Ces derniers mois, certains Etats conservateurs ont ainsi interdit l’accès à des traitements hormonaux ou chirurgicaux de changement de sexe aux mineurs transgenres.

Pour justifier l’interdiction de ces traitements, les dirigeants républicains avancent régulièrement l’idée que les personnes qui subiraient des traitements de changement de sexe trop jeunes pourraient rapidement regretter leur choix et devoir entamer un traitement de « détransition ». Plusieurs cas d’individus transgenres qui ont finalement décidé de revenir à leur sexe d’origine ont été médiatisés ces derniers mois.

Un échantillon de 139 patients seulement

Les données scientifiques manquent sur cette question du regret, devenue centrale dans le débat sur la « question trans ». Une récente étude de l’université du Michigan, publié ce mercredi dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), semble cependant indiquer que les cas de regrets chez les patients transgenres opérés sont extrêmement rares. Les auteurs de l’étude ont interrogé 235 patients ayant subi une mastectomie dans un hôpital du Michigan en raison d’une dysphorie de genre entre 1990 et 2020. Tous les patients avaient donc été opérés depuis au moins deux ans au moment où l’étude a été réalisé.

Sur les 139 patients ayant finalement répondu complètement aux questions des chercheurs, la réponse est sans appel : 100 % d’entre eux déclarent un niveau de satisfaction maximum quant à leur mastectomie et aucun ne déclare regretter son choix. Par ailleurs, aucun patient n’a indiqué avoir subi de traitement de « détransition » pour revenir à son sexe d’origine. Environ 25 % des patients ont au contraire subi une opération supplémentaire de réassignation sexuelle.

Si elle permet d’alimenter le débat sur la prise en charge des personnes transgenres, cette étude comprend cependant de nombreuses lacunes, reconnues par leurs auteurs. On note tout d’abord la taille relativement réduite de l’échantillon, de seulement 139 patients. En outre, n’ont été inclus dans l’étude que des transgenres hommes (personnes de sexe féminin s’identifiant comme des hommes) et aucun transgenres femmes. Enfin, tous les participants à l’étude ont été opérés après leur majorité, avec un âge médian de 27 ans au moment de l’opération et cet article ne permet donc pas d’alimenter le débat sur la prise en charge des adolescents transgenres.

Ne pas faciliter les opérations de changement de sexe pour autant

Cette étude confirme les résultats obtenus dans une méta-analyse réalisée en 2021, qui concernait cette fois près de 8 000 sujets transgenres (hommes et femmes) ayant subi une opération de changement de sexe et qui concluait que seulement 1 % des patients regrettaient d’avoir été opérés. « Ce taux extrêmement faible m’avait surpris » se souvient le Dr Oscar Manrique, chirurgien plastique spécialisé dans les opérations de changement de sexe et co-auteur de cette étude. Le taux de regret des personnes transgenres opérés est ainsi significativement plus faible que celui d’autres patients subissant des opérations de chirurgie plastique ou esthétique, qui sont environ 14 % à regretter leurs choix selon diverses études.

Mais pour le Dr Manrique, le fait que les patients transgenres opérés ne regrettent pas leur choix ne doit pas conduire à faciliter l’accès à ce type d’opération, bien au contraire. « Je pense que si nous avons un taux de regret faible aux Etats-Unis, c’est parce que les conditions pour être opérés sont extrêmement strictes » avance le chirurgien. La plupart des professionnels de santé américains suivent en effet les recommandations de l’Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres (WPATH), qui conseille de réserver les opérations de changement de sexe aux individus majeurs, dont le diagnostic de dysmorphie de genre est établi et qui ne présentent aucune pathologie mentale.

Si les personnes transgenres opérés regrettent rarement leur choix, ce serait donc finalement grâce aux restrictions d’accès aux soins de changement de sexe.

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Après mastectomie de réassignation

    Le 15 août 2023

    Pas sur que la surexposition (contre-productive ?) de la population transgenre soit sur le podium des préoccupations des soignés et soignants (potentiels soignés) nationaux.

    Le titre choisi « Peu de regret chez les patients transgenres opérés » mériterait d’être aussi nuancé que son analyse en le contextualisant afin d’éviter toute généralisation hâtive : « Peu de regret chez les patients transgenres opérés … après mastectomie de réassignation »

    Des messages clefs alors :
    1- La rareté : 235 mastectomies de réassignation (F  M), monocentrique US … sur 30ans : 08 / ans. Peu de doute que les pratiques et « mentalités » ont évoluées sur 30ans.
    La mastectomie était la chirurgie inaugurale (90%)
    La majorité (70%) présente des troubles anxio-dépréssifs préopératoires (Interprétation et devenir ?) – Tentatives de suicides non évoquées.

    2- La satisfaction étonnante (« 100% ») en regard d’autres gestes chirurgicaux, sans regret (« 0% »), sans intervention de détransition. Ceci malgré des complications post-op (25%), des reprises différées (20%). Une évaluation très … binaire mais une satisfaction pérenne au recul moyen de 3.6ans (2.7 – 5.3) pour les répondeurs.
    • Le taux de répondeurs (139 : 60%) est élevé en regard de ce qui avait noté (1/3) dans la « dsd-LIFE Study* » européenne ; bien plus hétéroclite. Eternel sujet sur l’interprétation des non-répondeurs (40%)
    • Le choix de la binarité est loin d’être systématique (prévisible) chez les patients mastectomisés : 63%M. Bien peu de phalloplasties ultérieures (< 5%), mais plus d’hystérectomies (22%) et/ou ovariectomies (17%). 75% n’aura aucune autre chirurgie de réassignation .

    3- La sélection des patient(e)s – candidat(e)s est la clef du succès : une précision utile à l’heure où il faut constater un possible « biais de notoriété » source d’une potentielle explosion de la demande de prise en soins.

    4- Ce travail concerne des adultes jeunes (27ans : 23-33) US (essentiellement blancs) : il ne saurait donc être extrapolé aux (d)ébats nationaux concernant l’enfant.
    Les dernières recommandations (V8)** de la World Professional Association for Transgender Health (WPATH) et surtout ses NN références guideront probablement les réflexions de la HAS et « experts » consultés pour l’adolescent.
    Un long document**(260pages en anglais contrairement à la V7 disponible en Français) « evidence- based » avec de très nombreux auteurs : Nord/ Sud – américains très prédominants, Europe très peu représentée, France absente. Sa section 67 est consacrée à l’enfant

    Difficile de ne pas nuancer l’optimisme en évoquant les suicides, non mentionnés dans le travail analysé :
    Les taux de suicides*** (X7,7) ou de mortalité par suicide (X3) par rapport à la population réputée cisgenre (Danemark open mind et registré) peuvent être le fait :
    • Du « stress minoritaire » (0,06 % de la population), de la « stigmatisation »
    • D’addictions potentielles attenantes avec leurs méfaits propres
    • De troubles psychiatriques (X6***) , bien présents dans le travail analysé
    • MAIS AUSSI …de gestes médico-chirurgicaux de réassignation mal anticipée puis mal tolérée.
    Des chiffres susceptibles d’être revisités à la hausse dans des pays moins « open-mind » : transgenre en Pologne (UE) ou Hongrie (UE) doit être pénible.
    Un (nouveau) problème de santé publique donc dont l’interprétation doit donc être nuancée car riche en facteurs confondants extrinsèques ou intrinsèques.
    Le peu d’évaluations biomoléculaires n’aide pas les « somaticiens » comme moi : L’interface du spectre des insensibilités totales ou très partielles aux androgènes est bien rarement évoquée quand il n’y a pas eu d’hystérectomie, de gonadectomie

    Trois certitudes personnelles (pédiatriques) :
    1-La nécessité d’une prise en soins très cadrée et régulée. L’obligation de discussion de chaque situation en RCP nationale (consultative certes) pourrait être un garde-fou d’une offre venant s’adapter dangereusement à la demande sans discernement préalable.
    Les RCP (« DEV-GEN ») concernant les Variations du Développement Génital sont bien rodées de longue date et maintenant encadrées par l’article 30 de la loi de bioéthique (Arrêté 15/11/2022) https://www.developpement-genital.org/

    2-Les risques d’une médecine communautaire (revendication associative de longue date), d’effets de niche acutisés par la demande, pour la dysphorie de genre comme sur d’autres sujets : quoi de moins inclusif que l’entrisme et l’entre-soi/nous ?

    3-Le rôle (et gouffre) à venir pour le législateur « éclairé », si ce n’est qu’en terme de responsabilité et judiciarisation, a fortiori chez les mineurs.
    L’état civil en France reste à ce jour très binaire.

    *Kreukels BPC et coll ; dsd-LIFE group. Gender Dysphoria and Gender Change in Disorders of Sex Development/Intersex Conditions : Results From the dsd-LIFE Study. J Sex Med. 2018 May ;15(5):777-785. doi: 10.1016/j.jsxm.2018.02.021
    **Coleman E et coll. Standards of Care for the Health of Transgender and Gender Diverse People, Version 8. Int J Transgend Health. 2022 Sep 6;23(Suppl 1):S1-S259.
    doi: 10.1080/26895269.2022.2100644
    https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/26895269.2022.2100644
    ***Erlangsen A et coll. Transgender Identity and Suicide Attempts and Mortality in Denmark. JAMA. 2023 Jun 27;329(24):2145-2153. doi: 10.1001/jama.2023.8627

    Dr JP Bonnet

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