La photothérapie est la thérapeutique de première ligne de l'ictère à bilirubine non conjuguée ou libre du nouveau-né. Elle a permis un recul drastique du recours aux exsanguino-transfusions mais sa prescription est encore souvent peu rationnelle par méconnaissance des principes techniques d'efficacité.
Pour rappel, les photons générés par la source lumineuse atteignent la surface cutanée exposée et sont absorbés par la bilirubine située dans la peau. Puis ces photodérivés sont éliminés directement dans les urines et les selles. La photothérapie permet ainsi l’élimination de la bilirubine sans métabolisme hépatique. A noter que l'efficacité théorique d'un dispositif de photothérapie dépend du spectre lumineux et de l'intensité de lumière émise ou irradiance (énergie lumineuse dispensée à la peau). Le spectre actif sur la bilirubine est compris entre 420 et 490 nm (efficacité maximale in vivo vers 470 nm) tandis que l'irradiance qui s'exprime en microWatt/cm² dépend du type de sources lumineuses, du design de l'appareil (forme du dispositif et type de lampes) et de la distance enfant/lampes. L'efficacité croit avec l'intensité lumineuse délivrée à la peau (les experts recommandant de ne pas dépasser 45µWatt/cm²/nm). Elle dépend aussi du rapport production/élimination de la bilirubine chez l'enfant et donc de l’étiologie de l'ictère.
La dose de lumière augmente proportionnellement à 3 facteurs : surface exposée, durée d'exposition et intensité de lumière délivrée (une source émettant sur une seule face
expose au mieux 35 % de la surface cutanée sans compter l'influence de l’environnement : couches, pansements, …). Quant à l’étiologie de l'ictère, on sait qu’en cas d'hémolyse, la bilirubine décroit plus lentement car sa production est augmentée. Enfin, contrairement à une croyance largement répandue, placer l'enfant près de la fenêtre n'est pas un traitement efficace de l'ictère.
L’indication d’une photothérapie ne peut être posée que sur un dosage sanguin de bilirubine totale, même si celle-ci n'est pas corrélée aux risques neurologiques. Dans ces conditions, les seuils d'indication de la photothérapie doivent aussi tenir compte de la présence de conditions cliniques telles que prématurité, infection, asphyxie périnatale et/ou acidose, hypoalbuminémie, pathologies hémolytiques, qui augmentent la vulnérabilité à la bilirubine. La bilirubine totale doit également être interprétée selon l'âge gestationnel, l’âge post-natal en heures et les conditions à risque majoré de neurotoxicité. Plusieurs courbes existent. Cependant, quelles que soient les courbes d'indications choisies, elles doivent faire consensus dans une équipe et être intégrées dans un « protocole ictère » pour prévenir efficacement les hyperbilirubinémies sévères et le risque neurologique.
Pratiquement, la prescription d'une photothérapie comprend la dose de lumière à appliquer (donc le type d'appareil et la durée d'exposition) en référence aux courbes d'indication, l'étiologie suspectée de l'ictère et l'efficacité théorique du dispositif choisi. La durée d'exposition minimum est de 6 heures en séances unitaires de 3 heures en respectant le rythme des tétées et des soins, sauf en cas d’hyperbilirubinémie sévère, ou précoce, ou évoluant rapidement. On associe les mesures indispensables pour prévenir les complications potentielles : lunettes de protection oculaire, surveillance de la température, protection des gonades, surveillance continue des fonctions vitales. On veille également à une alimentation régulière et efficace. Si la prise alimentaire est insuffisante, ou s’il existe une déshydratation, ou si l'ictère est sévère, des compléments de lait maternel tiré ou artificiel doivent être proposés (pas d'eau sucrée).
Enfin, on ne négligera pas les examens complémentaires à la recherche d'une étiologie pour adapter la thérapeutique et le suivi avec au minimum NFS et réticulocytes, groupe sanguin et test de Coombs direct, la surveillance d'efficacité par le taux de bilirubine à horaires différents selon la ‘gravité’ de l’ictère, et un nouveau contrôle 24 à 48 heures après la fin de la photothérapie pour s'assurer de l'absence de rebond.
Dr Dominique-Jean Bouilliez