Please, no DNA in my plate !

Washington, le samedi 31 janvier 20156 – On glose à l’infini sur l’inculture scientifique de nos contemporains. Et les railleries les plus aiguisées visent généralement les Américains. On ne se lasse pas de citer les résultats de sondages menés au cours de la première décennie du troisième millénaire qui révélaient que seule une courte majorité d’Américains connaissent le temps nécessaire à la Terre pour faire le tour du soleil, tandis qu’ils sont juste un peu plus nombreux à confirmer que les hommes et les dinosaures ne se sont jamais rencontrés, ailleurs que dans les salles de cinéma. Une enquête réalisée récemment outre-Atlantique paraît devoir confirmer ces moqueries. Interrogées sur les mesures qu’elles aimeraient voir mises en œuvre pour renforcer la sécurité et la traçabilité des aliments, les personnes interrogées ont en effet été 80 % à indiquer qu’elles souhaiteraient voir étiquetés tous ceux contenant de… l’ADN ! Rires et stupéfaction de part et d’autres de l’Atlantique. Voici donc que les Américains, oubliant l’universalité de l’ADN dans le monde vivant, attendent un étiquetage généralisé ! D’autres cependant on invité les rieurs à plus  de nuance.

Confusion

Comme le relève l’Agence Science Presse canadienne, des scientifiques américains ont tenu à décrypter ces résultats. Le physicien Ben Lillie (Carnegie Mellon University) a ainsi fait remarquer que ces conclusions ne concordaient pas avec de précédentes enquêtes ayant révélé une meilleure connaissance par les Américains de l’ADN. Il cite notamment une étude conduite en 2011 ayant montré que 85 % des adultes reconnaissaient que toutes les plantes et animaux étaient dotés d’ADN, tandis qu’en 2003 une enquête révélait que 60 % des adultes américains sélectionnaient la bonne réponse lorsqu’on leur demandait de définir l’ADN. Est-ce à dire que la culture scientifique américaine se soit considérablement émoussée en quelques années ou qu’il existait des biais majeurs dans la composition des panels qui auraient faussé au moins l’une de ces enquêtes ? Ben Lillie et plusieurs autres ne le croient pas. Ils préfèrent souligner que cette réponse a sans doute été influencée par les autres questions posées dans cette étude. Il s’agit en réalité d’une enquête régulièrement menée pour mesurer l’adhésion des Américains à diverses mesures d’étiquetage des produits alimentaires. Ainsi, toutes les questions soulevées dans la dernière édition avaient pour but de déterminer s’ils seraient favorables à une loi taxant les sodas sucrés, étiquetant les denrées contenant des OGM ou obligeant à la présence de fruits et légumes dans les menus des cantines. Noyée dans cette série d’interrogations législatives, la question sur la présence de l’ADN dans les aliments a sans doute été trop rapidement lue par la plupart des sondés, qui ont probablement sous-entendu qu’on voulait connaître leur sentiment sur l’ADN « modifié ». D’ailleurs, 82 % des sondés ont pareillement répondu qu’ils seraient favorables à un étiquetage des produits à base d’OGM. Il s’agit donc probablement d’une confusion des personnes interrogées (voire peut-être des concepteurs de l’étude), bien plus que la manifestation d’une inculture généralisée ! Ouf.

Léa Crébat

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