L'hypothèse d'une cause virale des polymyosites est depuis longtemps soulevée. Puisqu'une infection virale aiguë est susceptible d'entraîner une myosite, il est en effet possible d'imaginer que la persistence d'un virus dans l'organisme puisse aussi enclencher un processus conduisant à une myosite chronique. Parmi les candidats supposés figurent notamment les Picornavirus qui sont responsables, chez les animaux, de myosites et de myocardites et, au moins pour le virus Coxsackie, de myosite humaine (maladie de Bornolhm). Mais le virus ourlien, les adénovirus, les HTLV et HIV ont également été suspectés être à l'origine d'atteintes musculaires inflammatoires.
Il était donc intéressant de rechercher, avec les méthodes actuelles, la présence de génomes viraux dans le tissu musculaire de patients atteints de myosite inflammatoire ou par inclusion.
C'est ce qu'ont fait R.L. Leff et coll. qui ont réalisé 46 biopsies musculaires chez 44 patients parmi lesquels 18 étaient atteints de polymyosite, 12 de dermatomyosite et 14 de myosite à inclusion. Des anticorps dirigés contre les synthétases de l'ARNt étaient présents chez certains malades (anti-Jo1 chez 10 patients, anti-PL7, PL12, OJ et ES chez chacun un patient), anticorps qui, s'ils ne sont pas nécessairement pathogènes, pourraient représenter des marqueurs indirects d'une infection virale. Treize sujets sains ou porteurs d'une myopathie non inflammatoire, ayant (vaillamment) accepté la réalisation d'une biopsie musculaire, ont tenu lieu de témoins.
Une technique contrôlée
La recherche d'un génome viral a été effectuée par extraction des acides nucléiques dans le tissu musculaire prélevé et PCR. Les amorces étaient constituées par des séquences de régions virales conservées. Une amplification a ainsi été réalisée pour les génomes des virus Coxsackie B, de l'encéphalomyocardite et du virus ourlien. La même technique, mais sans mise en jeu d'une transcriptase réverse, a été utilisée pour mettre en évidence l'ADN des adénovirus.
La technique PCR employée par R.L. Leff et coll. permettait ainsi de détecter entre 1 et 20 molécules d'acide nucléique viral, ceci équivalant à 50-1000 molécules de génome viral par fragment musculaire.
De plus, dans un sous-groupe de 22 sujets (17 malades, 5 témoins) chez qui l'extraction de l'ADN avait été jugée satisfaisante, la recherche d'ADN rétroviral a été effectuée.
Résultats négatifs
Malgré ces efforts acharnés, aucun acide nucléique viral n'a cependant pu être trouvé au sein des tissus musculaires prélevés chez les patients atteints de myosite après élimination de 14 fausses positivités pour le virus de l'encéphalomyocardie liées à la présence d'un plas-mide.
Il semble donc, si ces résultats se confirment, que les virus n'ont aucun rôle dans la polymyosite ou bien, s'ils en ont un, que ce dernier ne nécessite pas la présence constante du virus dans le muscle. Bien sûr, d'autres explications à l'absence d'acide nucléique viral peuvent être avancées (taux indétectable par les méthodes employées, virus tronqué, stockage, etc.). De plus, tous les patients étudiés étaient des adultes. Or, la plupart des cas déjà rapportés de persistence du virus au cours de polymyosites l'ont été chez des enfants.
Malgré ces réserves, les résultats obtenus par R.L. Leff et coll. leurs permettent de conclure que la persistence, dans le muscle, de virus Coxsackie, de l'encéphalomyocardite, des oreillons, de l'adénovirus, de HTLV1 et 2, de HIV ou de virus apparentés ne représente vraisemblablement pas un stimulus continu pouvant induire une réaction immunologique chronique conduisant à une polymyosite.
Didier Alcaix
Less R.L. et coll. : "Viruses in idiopathic inflammatory myopathy : absence of candidate viral genomes in muscle". Lancet, 1992 ; 339 : 1192-1195.
Tirés à part : Dr Richard L. Leff, NIAMS Building 10, Room 9 N 228 - National Institutes of Health - Bethesda - Maryland 20892 - Etats-Unis.
ALCIX DIDIER